Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

dimanche 28 octobre 2012

Dépression - Solitude et écriture

La solitude, ça tue. On se regarde, on s'examine, on se morfond à ruminer ses problèmes, on stagne, on s'abîme. On se pose des questions, trop de questions. On tourne en rond. Il est temps qu'on en sorte, mais quand on en sort, on est si fragile, qu'on doit y retourner. J'ai besoin d'aide, besoin d'être entourée, besoin de vivre, de respirer les autres, besoin d'échange, d'impulsions. Je cherche une porte de sortie, un exit dans ce sas de décompression qui m'étouffe et pourtant me rassure à la fois. Il faut que j'en sorte ou je n'y arriverai plus, coincée pour l'éternité... 
 
Elle te pourrit la solitude. Elle te réconforte au début, te tend les bras de la liberté et au bout d'un moment, tu comprends qu'elle t'a piégée : tu es pris dans ses griffes, tu n'arrives plus à t'en dépêtrer. Et plus tu t'enfermes avec elle, moins tu peux t'ouvrir aux autres, plus c'est difficile.

Affronter, le regard et le jugement des autres, seul salut ! Affronter les refus, les frustrations, pour vivre.
 
Alors j'écris. Je tourne en rond, mais j'écris. La vie me fuit, mais j'écris. Et j'écrirai encore et toujours et même si tout devient noir et encore plus noir, j'écrirai. J'ai besoin de sentir ce bouillonnement en moi, ces idées qui m'agitent et me laissent en sursis. C'est mon dernier sas de sécurité. Ma dernière porte de sortie. Sortir de moi cette gangrène qui gagne du terrain, qui paralyse, qui affaiblit. Gueuler mon désespoir, mon envie de vivre inassouvie. Ça a merdé, et alors ? Je suis toujours en vie, merde !! Anesthésiée par mon propre cerveau, mais en vie.

Comme le dit si bien Céline, le voyage, c'est la recherche de ce rien du tout, de ce petit vertige pour couillons. (p.214 « Voyage au bout de la nuit ») Mon petit vertige pour couillons à moi, en ce moment, celui qui me sort un peu la tête de mon marasme, c'est l'écriture. Mais mon « Voyage au bout de la nuit », lui, il n'est pas terminé.
 
Dans mon petit cocon, dans mon no man's land à moi, j'écris, pour ne pas penser que j'aurais pu être, et que je ne suis pas, que ma vie s'est arrêtée, sur « pause », qu'elle s'est figée de stupéfaction en voyant qu'elle n'arrivait pas à être. J'écris, j'écris… Que le temps passe et m'angoisse de plus en plus, qu'il faudrait pouvoir revenir en arrière avec la compréhension qu'on a des événements de sa vie, sans savoir si on pourrait changer les choses et rectifier le tir. J'écris que je ne suis pas heureuse mais que je suis libre, que je ne gagne pas de sous, et suis-je vraiment libre ? Est-ce cela la liberté ? d'être seule dans son coin, sans responsabilités, avec le moins possible de contraintes, mais aussi sans champ d'action, sans action sur le monde, sans sens, sans amis C'est ça la liberté ? Je ne suis pas sûre. Mais pourquoi suis-je tellement en colère ? En colère contre moi, contre ce qui s'est passé pour que j'en arrive là, contre les souffrances que j'ai endurées Une jeunesse à souffrir dans son corps, dans son esprit. Normal que je sois en colère. Mais je ne peux pas rester dans cette colère. Elle m'étouffe. Je dois accepter ce qui s'est passé pour avancer, faire table rase, tout recommencer.
 
J'écris que je me sens morte à l'intérieur, que le Xanax doit apaiser un peu mon désespoir, mais que je me sens vide, inutile, seule, fragile.

Je vois défiler la vie, à trente-deux ans, comme si j'en avais soixante-dix. Comme si on m'avait volé ma vie et que j'étais déjà à la dernière étape, sans avoir pris les années de vieillesse. Je suis triste. Je n'ai plus d'émotions. Mes seules émotions, c'est une soirée devant un bon film et un bon repas, avec du vin, si possible. J'ai peur. J'ai peur d'être morte et pourtant encore en vie, d'être morte-vivante, alors j'écris. C'est ce qui me reste d'évasion, c'est ma seule ressource vers l'authenticité qui est encore en moi, tapie, au fond de ce corps mort et meurtri. C'est ce qui me relie encore à mon âme d'enfant, au souvenir de celle que j'ai été, quand je vivais, même si en sursis. Car je m'avançais déjà vers cette destinée étrange, de non-vie.
 
Je suis bloquée, j'arrive plus à avancer. Je suis chez moi, au fond de mon lit et je sens que je pourrais y passer toute la journée… Je suis allée courir cet après-midi, et puis j'y retourne, dans mon lit, sous ma couverture… Je n'arrive plus à me projeter, ni dans ma vie sentimentale, ni dans ma vie professionnelle. Je regarde la télé, je dors, je réfléchis, je lis, je tourne en rond, je fais du ménage pour avoir l'impression de servir à quelque chose, de faire quelque chose d'utile…
 
J'ai pourtant envie de vivre, je n'ai que trente-deux ans, et je suis déjà à bout. Ah si je pouvais reprogrammer mes circuits mentaux, formater, libérer de l'espace disque et réécrire un nouveau programme. J'enlèverais les bugs, je mettrais un bon firewall et je rajouterai des barrettes de mémoire vive pour que le programme tourne à vive allure !

Le firewall, important pour ne pas se faire bouffer par les autres, par les pensées négatives et les attaques émotionnelles, véritables virus informatiques.

Ma plus grande peur, c'est celle de ne jamais plus sortir de cet immobilisme, dans cet état stagnant dans lequel je me suis fourrée. Je me suis perdue, je ne sais plus dans quelle direction avancer. Plus rien ne me motive, plus rien n'a vraiment de sens à mes yeux. L'impression que tout est joué, que je suis tombée trop bas pour remonter. Plus rien ne m'intéresse vraiment. Et je n'ai plus envie de souffrir, pas envie de devoir faire mes preuves, de me battre. J'ai plus la force de reprendre des études, j'ai plus la force de m'inventer un talent quelconque, plus la force d'essayer à nouveau… et j'ai peur. Je veux pas finir vieille fille enfermée chez elle par peur des autres (avec un chat pour le cliché). Pourtant, c'est ce qui me pend au nez si je ne fais rien. Au secours ! J'étais pas comme ça au fond de moi, je suis pleine de vie, d'humour, j'ai besoin des autres, de partage, d'émotions ! Revenez à moi les émotions, la vie, la confiance ! Vous êtes sûrement toujours là, en moi, tapis dans l'obscurité et les méandres de mon cerveau ! Prenez le dessus ! Partez au combat ! Je vous l'ordonne… enfin je vous en supplie…
 
Des fois, je me dis que j'aurais jamais assez de forces pour remonter la pente, j'arrive au bout de mes capacités de résistance, je tiens plus le coup, je vais basculer dans la drogue, l'alcool…

J'ai peur de devenir alcoolique. Je la vois la bouteille qui m'appelle, qui me tend son goulot, qui fait briller ses formes lascives. Je la sens qui m'appelle : « Je suis la solution ! Je suis la solution ! Depuis la création du vin, l'homme n'a jamais trouvé de meilleure solution pour panser ses plaies. » Les palabres et discussions à bâtons rompus sur le divan du psy ne font que reculer le saut du bouchon ! Chimiquement la meilleure solution pour faire taire les ruminations, les désespoirs. C'est dingue. Prix cassés sur le vin, Foire aux vins ! Tout incite. Et c'est pas 50 euros la bouteille, pour un soulagement de bien plus d'une heure ! Meilleur rapport qualité-prix ! C'est vers trente ans qu'on y pense. Quand on a raté sa vie, qu'on voit les autres récolter le fruit de leur dures années de labeur : fric-enfants-maison. Alors on se sent en besoin. Avant, on tente tout sans toucher aux substances chimiques, dès trente ans, on s'en fout. On a tout essayé, sans résultat. Est-ce un hasard si je me suis installée en face d'un toxico, charmant évidemment pour me laisser attirer dans ses filets (c'est moi qui ai fait le premier pas). Je ne le savais pas, mais j'avais alors tout loisir de me mettre à fumer avec lui. J'ai pas fait. Maintenant c'est Xanax qui s'occupe de moi. C'est pas mieux, mais c'est garanti cent pour cent bonne conscience, puisque sous avis médical.

 

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Non l'alcool n'est pas la solution. Pour avoir connu les abîmes de la souffrance psychique, je peux vous assurer que cela ne vous mènera pas loin. Vous êtes en détresse psychologique et vous avez besoin d'aide. Ne restez plus dans cette situation : faites-vous aider par un bon psy. Le premier pas coûte. Mais après vous ferez votre chemin. Je vous envoie du courage. Nathalie

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    1. Merci Nathalie pour ce soutien. J'ai de l'aide comme vous dites, j'en parle d'ailleurs régulièrement sur ce blog. Peut-être ne suis-je pas tendre avec le corps psy... La bouteille est illusoire évidemment, merci et bises !

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