Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 29 décembre 2012

Veux pas souhaiter les voeux...

Ah les vœux... Temps du béni-oui-oui, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, temps des formules compassées d'usage : Vœux de joie, de bonheur, de sagesse, et d'allégresse ! Juste un test, tiens : c'est quoi vraiment au fond, l'allégresse ? Souhaiter de l'allégresse, c'est pas un peu débile ? Je regarde dans le dico : "gaieté pleine de vivacité" : l'air con, quoi, Bambi qui court dans la prairie, Winnie à qui on offre un pot de miel, Pandi Panda qui retrouve Chantal Goya... Oui, y a que dans les dessins animés qu'on côtoie l'allégresse et franchement, je ne souhaite pas ça à mes amis. Pourquoi vous croyez que le mot, on l'utilise jamais... alors pourquoi s'en servir une fois par an pour faire croire à nos amis qu'on leur souhaite un truc génial... "Allégresse"... pourquoi pas "feux follets", pendant qu'on y est... pfff. "Je te souhaite de bien joyeux feux follets".
 
Non, soyons plus simples : si vraiment il faut souhaiter, alors souhaitons, mais en toute franchise : Je te souhaite de pas te faire tuer bêtement dans un accident, de gagner beaucoup d'argent et de pas tout dépenser en frais d'hôpital, d'assurance, de garage ou autres conneries du genre et que ta femme te quitte pas, que tes enfants aient des bonnes notes à l'école et que tu puisses partir en vacances au ski en février... Je te souhaite que tes cotisations retraite n'augmentent pas, ainsi que les tarifs sur l'eau, le gaz et l'électricité, que ta maison n'ait pas trop d'avaries climatiques, que ton frigo te lâche pas, que ton patron ne te sucre pas le treizième mois et pourquoi pas qu'il t'augmente un peu ? Voilà pour les gens qu'on apprécie et s'il faut souhaiter aux autres : je te souhaite d'être moins con, je te souhaite d'acquérir la lumière à tous les étages... Toujours dans un esprit de franchise, mais sans évoquer le souhait de quelques catastrophes naturelles, en toute gentillesse, et dans une démarche constructive. Enfin voilà ce qu'on devrait souhaiter, au lieu de se la raconter avec notre allégresse, notre prospérité, et autre béatitudes ubuesques, dont personne ne comprend le sens exact de la chose souhaitée. Du concret, du concret, de la simplicité.
 
J'dis ça, mais j'dis rien, parce que, en fait... Moi je me contenterai de répondre "toi aussi" à ceux qui m'enverront leurs vœux.





jeudi 20 décembre 2012

Fin du monde !

Mon Dieu, c'est la fin du monde !!! On va tous mourir !!! Crevures de Mayas à la mords-moi-l'noeud !!!!!!!!!!!
 
Bon, où est-ce que j'ai mis ma liste de courses pour Noël, moi ?…
 
Non, ça sera pas Armageddon, plutôt série B, j'dirais. Mais, on aura sûrement droit à un nouveau jour férié, voire à une « fête » ?, si on touche le fond, pour commémorer le pétard mouillé, pardon le jour « où on a frôlé l'Apocalypse ». La « Fête des rescapés de la Fin du monde », the « Rescue day » (encore mieux) parrainée par Paco Rabanne, ambiance assurée par DJ Raël on the floor (enfin presque, si seulement…) et pour la modique somme de ce qu'il vous reste d'économies, visitez un bunker ou sautez de la capsule de Félix Baumgartner, pour un max de sensations fin du monde. Pour les petits budgets, une bonne séance d'UV sur position grill fera l'affaire. Programme alléchant.
 
Franchement, et dire qu'on en est là à cause de quoi ? D'analyses scientifiques de la Nasa ? Ben non, même pas. À cause d'un calendrier maya. Pauvres Mayas qui doivent en faire des roulés-boulés dans leurs tombes…
 
Et ça rame maintenant pour rassurer tout le monde… Du « Y a plus de place à Bugarach » au « Jusqu'ici, tout va bien » de dernier recours (vous savez bien, le mec qui tombe de l'immeuble), on écope avec des cuillères à soupe le raz-de marée d'angoisse qui nous fait nous demander si on n'a pas eu tort de pas faire construire un bunker sous la maison. C'est d'ailleurs grâce à ces mêmes médias qu'on s'est rendu compte à quel point la terre était peuplée de borderlines, parce que des gens qui ont passé leur dernière année à se préparer pour la fin du monde, eh ben y en a, et pas qu'un peu.
 
Mais ce qui est dingue de chez dingue, c'est que c'est même pas les démonstrations de nos scientifiques les plus chevronnés qui nous rassurent, non, c'est l'information sortie à nouveau de la poche à Paco ou confrères selon laquelle paraîtrait que nous aurions retrouvé un texte qui dirait qu'en fait c'est pas la fin du monde mais le début d'une nouvelle ère… Au passage, chapeau le timing, c'est vraiment un rebondissement digne des plus grands vidéastes américains. Mais non content de se satisfaire d'un tel niveau de connerie qui, disons-le, transcende les limites de ladite jamais explorées par l'homme, on en remet une couche en nous apprenant la venue d'une divinité qui remettra le temps en marche. Bon sang ! Et là je ne peux que me souvenir de ce grand proverbe professoral : « A touché le fond, mais creuse encore… ».
 
Bien du courage, chère divinité maya, il va t'en falloir…


mardi 18 décembre 2012

Seule au milieu des autres

Je me sens seule, au milieu des autres. Je me suis toujours sentie ainsi. Même entourée, seule. Je ne me connecte pas. J'écoute, je comprends, je réagis, mais avec mon cerveau cortical, ma raison. Je donne le change, je souris, je suis drôle même parfois, mais avec maîtrise, raison, prudence. D'où ça me vient ? Je ne saurais trop dire et pourtant je vais vous l'dire (comme dirait l'autre). Je crois bien que j'ai assimilé très tôt le commandement numéro un dans la famille : «  fais pas trop de vagues, fonds-toi dans la masse, te fais pas remarquer... (à décliner sous bien d'autres formes) » Vous avez compris le concept. Et à force de me demander si je me fais pas trop remarquer, si je me fonds bien dans la masse, ben c'est devenu un automatisme. Je suis apparemment « assimilée », intégrée, sociabilisée, mais pourtant si asociale, si revêche, si peu « corporate », à l'intérieur de moi. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec le temps, mes émotions ont réussi à franchir le barrage imposé par mon cortex. Les émotions se sont fait la malle, jusqu'à vouloir sortir de moi, carrément. Et du coup, j'ai lutté et inconsciemment, je lutte encore contre elles. Car comme un message subliminal, en arrière-plan, il y a ce commandement suprême : Fonds-toi dans la masse. Un « fonds-toi dans la masse », ça fait drôlement réfléchir… Qu'est-ce qui fait qu'on apprivoise nos émotions si ce n'est en se faisant remarquer, justement ? Si on ne se fait jamais remarquer, alors on devient morne, terne, sans émotions… On devient ces êtres qui rentrent toujours leurs émotions en eux, livides, inertes, repoussants, en somme. Et pourtant, c'est cet être livide et repoussant que l'on veut démultiplier, avec le principe Ne te fais pas remarquer, cet être qui refoule ses émotions, parce qu'une émotion, c'est la spontanéité, et la spontanéité, ce n'est pas à proprement parler « gérable ». C'est le grand paradoxe de l'affaire. On regarde les autres, on juge, on se juge et on apprend à se comporter « comme », en refoulant assez nos émotions pour « ne pas se faire remarquer »… Et pourtant, n'est-ce pas ceux qui laissent s'exprimer leurs émotions sans en avoir peur qui sont si attirants, si charismatiques, si « remarquables » (on y revient). Ne te fais pas remarquer, mais deviens remarquable. Il y a un truc qui cloche, non ?
 
J'ai donc nourri une grande peur de mes émotions. Du coup, maintenant, je suis entourée, mais seule. Je maîtrise mon cerveau limbique parce que j'ai peur de mes émotions, et cette maîtrise me tue… CQFD. Apprivoiser ses émotions ne se fait pas dans le comme tout le monde-dans le trou de la souricière-pas de vagues et j'en passe, il faudrait au contraire encourager à se faire remarquer, à montrer ses émotions, à jouer avec pour les apprivoiser doucement et que ce ne soit pas à 30 ans que celles-ci, trop longtemps étouffées vous déchirent les entrailles parce qu'elles veulent s'exprimer, mais qu'il est bien difficile alors de le faire dans la douceur et la tempérance.
 
Voilà pourquoi à présent je voudrais séduire la Terre entière et pourquoi je me mets en colère à la moindre frustration, entraînant parfois des suites regrettables. Je ne veux plus gérer mes émotions et pourtant, il y a ce conditionnement qui marche à plein régime. C'est à présent mon paradoxe à moi, il ne m'est pas imposé celui-là, c'est moi qui l'ai construit, mais comme je le regrette…
 
C'est pour ça que je me sens seule au milieu des autres et que la foule et son bouillonnement émotionnel ne m'attire pas.

lundi 17 décembre 2012

Qui t'es ?

Je passe mon temps à quitter…
 
« Qui t'es ? » Peut-être que c'est pour répondre à cette question que je quitte. Je ne m'accroche pas. Comme si c'était trop difficile. Je quitte mes emplois, je quitte mes amis…
 
Je vais quitter mon ami… Difficile… On repousse sans arrêt l'échéance et là, c'est pour de bon. Je serai quitte. Peut-être que je quitte pour être quitte, justement. On me donne trop, je ne donne pas assez, alors je pars. C'est vrai, j'ai tendance à me perdre dans les autres, à me plier à leur volonté… alors je pars pour me retrouver.
 
J'ai plus trop d'amis à force. Ils se lassent de venir me chercher. Je les comprends. Je ne leur en veux pas. Puis je regrette. Je regrette de t'avoir laissée partir pour de bon, toi, mon amie de toujours… emportée par un cancer. Foutu cancer. On s'est quittées petit à petit, nos chemins de vie aidant et puis on s'est retrouvées trop tard… Bien trop tard… Je n'ai pas eu le courage, j'ai été lâche… je t'ai vue partir et je n'étais moi-même déjà plus là pour toi…
 
Est-ce la lâcheté qui me caractérise dans mes rapports avec les autres ? Est-ce que je m'exclus parce que j'ai honte de moi ? De ce que je suis devenue ? Est-ce que je m'exclus parce que je sais que je ne suis pas « moi » lorsque je suis avec les autres ? Être social bridé par le désir de l'autre, esprit qui s'agite pour plaire et surtout ne pas déplaire…
 
Et pourtant, j'ai tellement besoin des autres… Je rêve d'un jour où il me sera donné de me sentir libre parmi les autres… Peut-être que ce jour-là, je serai sortie d'affaire ?…

Ma vie de Pokémon

Je me bats avec tout, j'ai l'impression d'être un Pokémon. Sauf que je peux pas gagner de vies. Et que mes ennemis sont virtuels au sens propre. Il s'appellent l'Abattement, la Fatigue, l'Inertie, le Dégoût et l'ennemi de fin de tableau le Temps. Car à force de combattre les premiers, le second prend de l'ampleur, devient de plus en plus redoutable. Il me mange, il m'emmène avec lui ce traître, d'abord ami, passé à l'ennemi… sans se soucier de savoir si j'ai repris des forces… Je ne le contrôle plus du tout, j'ai cru m'en libérer en me débarrassant de ses formes incarnées à mon poignet, mais comme un bracelet de la conditionnelle, son alarme a sonné et son emprise n'en est devenue que plus fourbe… Obligée d'accepter de vivre sous les ordres de ce tyran. Ennemi invaincu depuis des lustres, mieux vaut s'en faire un ami… Mais c'est pas juste, tu passes, même quand je ne fais rien ! Tu devrais t'arrêter, te figer, jusqu'à ce que j'ai repris mon souffle, trouvé mon chemin… À quoi ça sert que tu passes si je ne fais rien ? « À ce que tu fasses quelque chose… » Mais je suis d'accord, seulement jusqu'ici à chaque fois que je faisais quelque chose, j'avais l'impression que je ne faisais rien… et toi, tu passais toujours… « Alors cherche la bonne marche du temps ! » Merci, mais on n'est pas à Fort Boyard… elle est où cette bonne marche du temps ? « En toi ». Ça me fait une belle jambe… « Une bonne marche ». Très drôle.
 
Où tu la trouves la bonne marche du temps ? C'est dans ton agenda ? Quand tu as gratté une échéance qui te plaît ? Comme… une fête ? un projet ? un jour de paie ? C'est quand t'es sur les rails et que tu arrives à te projeter vers un avenir meilleur ? Elle devient « bonne », alors, la marche du temps ?
 
Moi je vois pas la trace d'un pas de cette bonne marche du temps. J'arrive même pas à me projeter à la semaine suivante… Je vis au jour le jour sans pour autant réussir à cueillir le jour présent, cher à ce bon vieux Horace… Les échéances sont devenues des martyres qui parachèvent le vide de ma vie. Planifier rime avec angoisser. Alors la bonne marche du temps… Vous me faites rigoler, monsieur le Temps. J'voudrais m'foutre dans une DeLorean et refaire le film avec une fin différente… ou repasser la bande à l'envers pour voir ce qui a merdé, effacer les rayures, les plis… Mais là, non, je suis pas en mesure de tailler une bavette avec le Temps… Il me fait chier !

Respire !

J'respire plus… J'm'asphyxie avec la vie. J'écris pour trouver cette bouffée d'oxygène qui me manque tant. Je respire à fond, comme quelqu'un qui se prépare à faire une apnée, ou quelqu'un qui étouffe… J'essaie de suroxygéner mon cerveau pour trouver un peu d'ivresse réparatrice, salvatrice… mais mes démons intérieurs guettent, tapis dans les profondeurs de mon cerveau… Ils sont à l'affût du moindre signe de fatigue, de la moindre situation à risque… Alors je respire plus fort pour les chasser, pour récurer le fond de la réserve en énergie, je respire fort pour me sentir vivante, pour ranimer mon être éteint, pour éviter d'être précipitée là où plus rien n'est possible. J'ai découvert cela, le pouvoir de la respiration. J'étais en apnée constamment, au bord de l'apoplexie dès que le stress pointait sa lance sur moi. J'ai découvert le pouvoir de la respiration volontaire. Il faut expulser l'air, on le garde trop cet air vicié et il nous empoisonne, alors maintenant, j'expulse ! Je sors de moi cet air qui m'encombre et me paralyse. J'expulse ! Oui, d'ailleurs, j'expulse tout ! Pas que l'air ! Tout ! Les autres aussi ! Pas plus tard qu'hier… Je vais à la salle de sport faire du vélo comme chaque semaine. Eh j'essaie un vélo qui présente des bruits caractéristiques de roulement à billes. Je change de vélo pour m'asseoir à côté. Tout à coup, un jeune Apollon se pointe et fait mine de monter sur le vélo au roulement à billes défectueux… Et moi, l'imbécile de lui dire que le vélo fait des bruits de roulement. Évidemment, il quitte sur-le-champ le vélo et donc aussi la proximité de ma personne, à mon grand désespoir. N'expulse pas tout, me dit ma conscience… que ce qui te fait du mal… Lui, il t'aurait bien fait remonter ton taux de globules rouges… Alors respire… Oui, je respire, je ne fais que ça ! Je traque ce foutu dioxyde de carbone… Oh, il revient vers moi l'éphèbe, il se met juste devant moi, mon Dieu, je panique… j'étouffe… Allez, respire ! J'arrive pas ! Mais si force-toi ! Mais il va penser que je me prépare à l'accouchement, là… Mais non, tu maîtrises simplement ta respiration, ton bien être, tu endigues l'arc réflexe émotion-panique-repli sur soi. Fuit-fuit-fuit… Je respire, non tout mon être ne se videra pas d'un coup d'un seul comme si ma carcasse acceptait seulement de me représenter. Non, je résiste, fuit-fuit-fuit, reste en contact avec les autres… Voilà, la séance est finie. Ben en fait, il m'a même pas remarquée, je crois… Ouf. Et pourtant, j'aurais tellement aimé qu'il me remarque…


samedi 15 décembre 2012

L'esprit de Noël


Franchement, j'ai peur de cette fin d'année... Non pas à cause du 21 décembre – même s'il y aurait de quoi vu le lot de tarés que la société nous a pondus, et dont certains, n'en doutons pas, rivaliseront d'idées pour concrétiser ce jour si merveilleusement prophétisé par les médias. Mais oui, alors que tout le monde nage dans les emmerdes, quelle riche idée d'annoncer la fin du monde ? Celui qui a mis la main sur l'info aurait tout aussi bien pu la garder pour lui, vous ne trouvez pas ? – ce n'est donc pas à cause du 21, mais parce que Noël, c'est l'échéance, l'heure du bilan de l'année, des retrouvailles avec les siens, et que moi, cette année, le bilan, je veux même pas en entendre parler. Je veux bien manger des huîtres, du foie gras, des petits toasts aux œufs de lompe, de la dinde au marrons, des pommes dauphines, de la bûche glacée avec la petite hache et le champignon en meringue, des truffes, des escargots, tout ce que vous voulez, mais du bilan, NON !, je veux pas en manger. Ma Qué bilan ? Vous voulez m'achever ou quoi ? Je vous le dis, moi, si vous ne voulez pas que le repas de Noël tourne au pugilat, alors vous focalisez pas trop sur moi… parce que cette année et comme l'année d'avant et toutes les années qui vont suivre (si ça se trouve), c'est pas le sapin qui a les boules, c'est moi ! Parce que derrière mes habits de lumière et mon « sourire de Noël », je peux vous dire qu'il y en a des kilos de bonne volonté et des heures de révision de la méthode Coué. Non, je voulais pas fêter Noël et si je suis là, c'est quasiment par obligation et indérogabilité au principe du repas en famille au moins une fois l'an à Noël. Ce déroulement de joie annuel, cette contrainte du vidage organisé du compte bancaire à réaliser de surcroît dans la joie et l'allégresse me débecte au plus haut point. Y a qu'à voir ces faisceaux de guirlandes mal dégrossies qui dégoulinent comme du PQ sur de pauvres sapins qu'ont rien demandé et qui perdent leurs épines comme cette fête perd son sens… Ou bien ces pauvres Pères Noël suspendus comme des cadavres aux gouttières des maisons qu'on se demande si c'est pas la déco d'Halloween qu'a juste pas été enlevée… Ou encore ces décorations luminescentes à la pointe du kitsch qui ridiculisent des maisons qui s'en gratteraient bien le crépi si elles pouvaient et qui assassinent le paysage urbain… Il est beau l'esprit de Noël… Non, je cautionne pas. C'est pas possible...
 
Et puis quoi Noël ? Passer cinq heures dans les magasins à se prendre la tête sur des cadeaux qui feront peut-être même pas plaisir, les payer trois fois le prix parce que c'est Noël et se retrouver dans les embouteillages à pester tout son soûl, parce qu'il fait déjà nuit et qu'il faudra revenir vu qu'ils n'avaient pas la Playstation 5 que le petit dernier il se taille les veines s'il l'a pas à Noël ? C'est ça, l'esprit de Noël ?! Alors simulez… benoîtement, comme certains savent bien le faire, d'être subitement frappé par l'Esprit saint le jour de Noël, mais on me la fera pas croire à moi : l'esprit de Noël, il est mort. Il est parti avec la commercialisation de cette fête, avec le merchandising à outrance, y a qu'à voir le matraquage télévisuel qui d'ailleurs nous explique clairement ce que l'on doit acheter à Noël : du parfum pour mamie, des chocolats pour papi, le dernier CD de Céline Dion pour maman, celui de Johnny pour papa, la dernière Playstation pour le fiston et le dernier Smartphone pour la fistonne… Noël, sponsorised by SFR, Canalsat, Nintendo, Universal et j'en passe… Une galerie d'écrans et de choses virtuelles pour ne plus avoir besoin de vivre sa vie qu'à travers des écrans par l'intermédiaire de sa carte bancaire… Chouette !… Il est beau, l'esprit de Noël…

jeudi 13 décembre 2012

L'horloge biologique

J'en peux plus de tourner en rond dans mes 36 mètres carrés ! Je peux plus les voir les Beccaro, Tex, Naguy et j'en passe... je suis passée à deux pages de dico par jour ! Trois après-midi par semaine au club de sport (j'adore faire du sport, mais là c'est plus du sport, c'est du suicide) ; vaisselle, ménage, lecture de tous les livres qui peuplent mes étagères, surfing sur le net pendant des heures à la recherche de quoi combler le vide…
J'ai appelé les Restos du Cœur pour les aider, mais ils ne me rappellent même pas. Le sort s'acharne ou quoi. (et bientôt je vais les appeler pour aller manger…)
Je vais m'inscrire à des activités : yoga ? Non, besoin d'action ; théâtre ? Non trop timide… ; couture ? Non, trop chiant… Bof les activités.
Mais qu'est-ce que c'est que cette vie de merdeuh !
(léger ras-le-bol)
Réveille-toi ! Y a quelqu'un là-dedans ? Il est où ce bouton rouge ? Ah le voilà ! J'appuie dessus avec toutes mes mains et tous mes pieds et je déclenche le plan ORSEC !
Un : trouver du boulot, qui va avec Deux : arrêter de vouloir tout maîtriser ! Que ce soit le bordel émotionnel dans ma carafe ! Et que je m'en foute complètement ! Que la vie reprenne en moi quitte à ce que ce soit tous azimuts ! Je m'en fous ! Tous « zazimut », j'aime bien, c'est rigolo comme mot ! Il faut que je me touzazimute !!! Touzazimutons-nous !
Pourtant, il est simple mon programme, y a que deux points !
Please Mister Toutlàhaut, fais un miracle, rends-moi sociable, ouverte, disponible à la vie !
Please please, mon horloge biologique elle tourne, et rien à faire, j'ai bien essayé de gripper le mécanisme, ça marche pas ! J'ai 32 ans ! 3-2 ! Trente-deux ! Seurty-tou ! Et mon esprit est hanté par tous ces marmots qui pullulent dans les foyers de mes congénères et qui grandissent et qui « vie de familisent » leur vie… Et je les entends jouer, crier, appeler maman, papa, et ça m'énerve ! Paske moi chuis là, avatar dégénéré de la trentenaire qui sert à rien, ni vraiment femme, ni mère, ni rien du tout. Un décor, le pendant de la vie des autres, qui leur rappelle qu'ils ont de la chance, eux…
(vraiment très léger ras-le-bol)
Allez, je me bouge ! Je les laisserai pas m'abattre avec leur bonheur ! Je vais devenir la femme combattante qu'il faut que je sois ! Yes we can !

dimanche 9 décembre 2012

Pas vraiment confiante...

Hier, j'avais mon 33 millième entretien d'embauche. Alors j'ai bravé la neige (qui s'est mise à tomber pile ce jour-là, c'est bien plus rigolo), le verglas et les figures libres de ma voiture qui ne résiste pas à la vue d'un tapis de neige, et j'ai évacué loin loin l'idée d'appeler pour solliciter leur clémence et repousser l'entretien à un jour où il ferait beau, à 15 heures plutôt parce que c'est l'heure de la digestion et je me sens plus zen, avec un café si possible pour me donner un ptit coup de fouet, éventuellement s'ils pouvaient ne pas me poser de questions sur mon dernier emploi, parce que ça me crispe un peu et si c'était possible de s'habiller en bleu, parce que c'est une couleur rassurante… (c'était mieux donc de pas appeler)

Donc je suis allée à mon 33 millième entretien d'embauche. Mais je ne suis pas vraiment confiante…

En fait, vous savez, il y a ce passage imposé où on vous demande vos qualités et vos défauts… Mazette ! Ben moi, comme une gourde, j'ai commencé par mes défauts. Vous vous en doutez, j'en ai sous le coude et je suis de nature assez honnête… alors, bien consciencieusement, j'ai dressé une liste assez exhaustive de mes défauts pour commencer, en essayant d'être le plus objective possible (*\!#$bip… Mais quelle idée !! Je voulais sûrement finir en beauté ?!!) :
 
« Alors voilà, mon principal défaut… et il y a celui-là aussi et aussi ça… ah oui et je vous en sers un dernier, allez, c'est pour moi… »
 
Et ma déesse intérieure de me crier (c'est pour reprendre l'expression fétiche du célèbre Fifty shades… Maintenant mesdames, il faut compter avec notre déesse intérieure…) :
 
« Mais tu vas la fermer ta gueule ?!!! Mais attrape cette règle en bois sur son bureau et flagelle-toi ! Ou bien fais-lui lire ton blog ! »

Elle m'a coupée sans que je n'eusse le temps de lui exposer mes qualités…

Mais aussi, c'est de sa faute, elle semblait carrément intéressée par mes défauts ! On aurait dit qu'elle voulait déceler jusqu'à ceux que je n'aurais pas même avoués sous la contrainte… J'ai pas résisté… Zut. Pourtant, je le sais…

Eh !! Mais on a les qualités de ses défauts qu'y paraît ! :-) Ah non mince, c'est l'inverse... mais du coup c'est réversible, non ? Eh merde... 

De toute façon, pas sûr qu'elle pousse jusque là… :-(

Bon, même si j'en rajoute un peu, et que je ne me suis quand même pas flagellée, ben du coup, je suis PAS VRAIMENT CONFIANTE, comprenez…

jeudi 6 décembre 2012

Equation symptomatique à prise de tête variable

Je porte en moi le deuil d'une vie rêvée, l'écueil d'une vie ratée qui m'ensevelit sous ses miasmes de regrets. Comment construire sur un éboulis ? Sur le tas des cendres de quelque chose qui n'a jamais été ?

Une vie qui n'a pas de sens ou que celui de la direction vertigineuse qui l'entraîne vers le vide.

Alors dans cette vie qui n'a pas de sens, j'occupe mes journées. Je trie mes habits, puisqu'on m'y incite depuis ma boîte aux lettres, pour les envoyer en Afrique. Je suis contente, c'est pas grand-chose, mais ça me remonte un peu le moral de savoir que cela va aider. J'imagine la petite fille qui va hériter du maillot de bain Naf Naf quasi neuf que m'avait offert ma marraine ; je l'aimais bien mais il m'a toujours été trop juste. Jusqu'ici je l'avais gardé, car j'y rattachais les souvenirs de ma marraine, et ceux de ma jeunesse J'ai réussi à m'en séparer, me disant que de toute façon je ne le remettrai plus et qu'il perdait de sa valeur à n'être pas mis, comme tout objet non utilisé qui perd de son efficacité. Et puis, je crois que je le gardais comme une relique d'une personne que je ne suis plus, celle qui s'identifiait encore à la jeune femme brillante qu'était sa marraine, avant de rejeter, de tout rejeter et de s'y perdre Mais cette fois, je ne jette pas, je donne, je transmets. L'action est positive. Peut-être que mon geste était même, plus que cela, nécessaire. J'ai passé quelques minutes à imaginer les combinaisons à faire avec les vêtements que je donnais : les shorts en jeans allaient sûrement faire des heureux, le petit haut tricoté sans manches allait ravir une jeune demoiselle et le reste n'était pas mal non plus. J'aurais aimé être là au moment où chaque acquéreur s'approprierait son bien. Ça fait du bien au moral de faire de bonnes actions, même si c'est pas grand-chose, c'est déjà quelque chose. C'est vrai, on le fait tous ça, garder des choses dont on ne se sert pas, en se disant qu'on s'en servira peut-être et que si on s'en sépare on le regrettera La peur de manquer, sans se rendre compte qu'on peut aider avec nos surplus de tout

Ou bien j'assemble un meuble. Ça me donne l'impression de bâtir quelque chose, et construire, c'est avancer. Ça remplit l'après-midi également, compte tenu du fait que j'ai deux mains gauches et que je maîtrise assez mal le suédois. Parce que, apparemment, les Suédois, ils doivent avoir une façon bien à eux de faire les dessins. Le dessin, il ressemble pas du tout au résultat final. Ou c'est le contraire, alors ? Vous croyez ? Bon, mais j'ai dit que je ratais tout ! Enfin ça m'a pris une après-midi, j'étais contente.

Et ma dernière trouvaille, et pas des moindres, en tant que tueuse de temps invétérée, c'est la lecture du dictionnaire et accessoirement de la Bible, ou l'inverse. Deux ouvrages écrits au microscope et qu'ordinairement, dans une vie réussie, j'aurais eu du mal à prendre en passion. Le Livre saint, parce qu'il est grand temps de trouver en moi la force de l'ouvrir et de chercher peut-être quelques pistes d'action et de réconfort. Quel livre, si ce n'est Le Livre, répondrait mieux à mon attente ? Oui, j'ai honte de devoir en arriver à ces extrémités pour ce faire, mais voilà, il faut dire que la fluidité et le style de la narration n'en font pas une lecture de chevet aisée comme l'est par exemple le dernier Marc Lévy, et puis que les pages fluettes, l'épaisseur du pavé et l'écriture en test de vision pour félins est encore un obstacle à l'engouffrement spontané dans l'ouvrage. Mais il faut croire que mon âme, perdue dans les profondeurs de son désespoir, a décidé de s'en accommoder.

Le dictionnaire, lui, c'est plus parce qu'il me donne l'assurance d'être occupée pendant un bout de temps et aussi qu'il s'accorde avec l'absurdité et le vide de ma vie : une succession de mots sans sens global, une rengaine, un précipité du monde en mutation constante et pourtant dans une immuabilité qui traverse les années. Je m'astreins à la lecture d'une page par jour, cela me laisse une marge d'occupation conséquente étalée dans le temps et participe en plus à rythmer mes journées, ce qui a son importance au cœur de l'inactivité. Bon, si jamais j'arrive au bout et que je m'attaque à l'Encyclopédie Universalis en 58 volumes, ou bien aux codes juridiques à couverture rouge, alors c'est que j'aurai choisi une vie d'ermite et de contemplation ; si je m'attaque à l'annuaire, c'est que j'aurai cramé un fusible.

Mais bon, après tout, c'est pas pire que de jouer au Démineur ou au Solitaire ou bien de regarder l'intégralité des épisodes d'une série à la con ? Ça instruit au moins. Et, qui mesure le degré de connerie d'une activité occupationnelle ? Hein ? Y a-t-il une échelle de mesure qui commencerait par l'étude béate des motifs du papier peint pour se terminer par la résolution compulsive d'équations symptomatiques à prise de tête variable ?

Non ? Bon alors

jeudi 29 novembre 2012

My love affair

Cette nuit, j'ai fait l'amour avec mes deux hommes…

L'un me déshabillait tendrement, avec gourmandise, l'autre regardait. L'un réclamait mes caresses quand l'autre me prodiguait les siennes. L'un se pliait à mes désirs, quand l'autre tentait de faire plier ma volonté. L'un me regardait avec amour, accrochant mon regard au sien, quand l'autre me contemplait avec désir, plongeant dans mes yeux ténébreusement à m'en faire rougir de volupté. L'un me susurrait des mots un peu crus et l'autre des mots brûlants, invoquant à l'envi qui la femme, qui la catin. J'ondoyais d'amour et de désir pour mes deux hommes complémentaires.
Rassasiée d'être à la fois déesse et « louloutte », icône et poupée. Femme et enfant.


L'idéal...

L'idéal ce serait deux hommes.

Il y aurait celui du quotidien, celui qui a besoin de vous, qui cède à tous vos caprices, qui vous offre des fleurs pour se faire pardonner… Et l'autre. Celui que vous admirez, qui ne répond pas à tous vos caprices, mais c'est vous qui répondez aux siens…

Je suis pas claire, là…

Mais si ! Celui qui pue des pieds, qui rote sans dire pardon, qui regarde le foot à la télé… et l'autre, celui qui regarde Envoyé spécial avec vous, celui qui passe sa main dans ses cheveux avec cet air réflexif en regardant Paul Nahon, l'air d'accord.

Je suis pas claire, là…

Mais si ! Celui qui veut bien aller chez ses parents mais qui rechigne à aller chez les vôtres, celui qui oublie la date de votre anniversaire, celui qui ronfle à deux centimètres de votre nez… et l'autre, celui qui se fait une joie d'aller chez vos parents, celui qui fait son jogging le dimanche matin…

Je suis pas claire, là…

Mais si ! Celui qui laisse les poils de barbe dans le lavabo, celui qui jette son caleçon et ses chaussettes n'importe où avant de se coucher… et l'autre, celui qui plie ses vêtements, qui nettoie le fond du lavabo, qui lit un bouquin pour s'endormir…

Je suis toujours pas claire, là ?

Mais si ! Celui à qui tu fais des bisous partout et qui te dit jamais d'arrêter parce qu'il ne veut pas te vexer… et l'autre, celui qui n'aime pas trop les effusions, parce qu'il a du mal à exprimer ses émotions…

Les deux sont rassurants, chacun à sa façon. Un coup on se sent femme, un coup on se sent mère…




Aspie-re un peu d'ocytocine

Vous dire à quel point je suis perturbée. Aujourd'hui, j'ai demandé à ma psy si elle pensait que je pourrais être éventuellement, sait-on jamais, autiste. Je l'ai demandé tout doucement, bien sûr, sachant trop qu'on ne doit pas plaisanter avec ce genre de pathologie. Ben oui, j'ai regardé l'émission sur l'autisme, l'autre soir. Et je me sentais en union de pensée. Ce renfermement sur soi, cette difficulté à gérer ses émotions… Je me suis tuyautée sur l'ocytocine après, pensez bien. Un spray nasal qui t'ouvre à la socialisation et au bien-être. Des études sont en cours et les sprays se vendent d'ailleurs, à 40 euros la fiole de 15 ml, soit, mais tout de même, c'est un fait… J'ai pas osé lui parler du spray. Non, mais vous voyez ? Je deviens complètement cinglée. Dans quinze jours, je lui demanderai sans doute si je n'ai pas été enlevée par des extra-terrestres.
 
Heureusement – quoique me dit mon inconscient qui se serait bien engouffré dans la brèche pour se disculper du bronx qu'il crée dans mon cerveau – elle a réfuté mon argumentation (en dissimulant mal un départ de fou-rire). Bon. On a aussi le droit de se poser des questions, non ?
 
Eh bien non, c'est pas Asperger mais imbibée de connerie que je suis, lotie d'une bonne grosse angoisse névrotique, simplement. Enfin, simplement, je pense avoir réussi à démontrer que ce n'était pas aussi « simple » que cela.
 
Mais je suis rassurée, tout de même, pas sur la surchauffe mentale que j'inflige à mon cerveau avec ce genre de supputation qui provoque indéniablement une certaine montée d'angoisse, mais parce que ça doit vraiment pas être drôle d'être autiste. Mais, depuis un moment, à tourner en rond chez moi, eh bien j'imagine toutes les catastrophes naturelles ayant pu se produire au niveau de mon génome pour expliquer mon état de stagnation mollusquien.
 
Alors bibi, le problème, c'est juste qu'il faut que tu te bouges, car à force de vouloir te trouver toutes les justifications du monde, ben ton cerveau se nécrose, et y prend goût, à défaut de surchauffer.
 
Merde, alors. Une ptit aspie-rine, pour la route ?
 
Me bouger, O.K. Faire revenir la sérotonine et l'ocytocine et compagnie là où la fuite a eu lieu. Bon.
 
Mais c'est sûr ? C'est pas aspie ?… grrrrrrr (entends-je dans mon oreille)

samedi 24 novembre 2012

Vie de chômeur - manque un peu d'beurre…

Le billet que je commence s'appuie sur l'expérience que j'ai vécue récemment au supermarché, qui m'a démontré la vison très partielle de la solidarité de certains soi-disant bénévoles au grand cœur.

Certes, le bénévolat est noble. Il est certain que sans les associations et les ligues de bénévolat, la moitié des pauvres de ce monde seraient déjà morts. Mais merde ! C'est pas parce que tu viens au supermarché du coin que t'as forcément du fric à ne plus savoir qu'en faire. Tous les gens qui flirtent avec le seuil de pauvreté devraient-ils donc, comme des lépreux, vivre dans un territoire balisé, pour ne pas risquer de rencontrer les ceusses plus riches, ou pire ! les bénévoles, qui les renverraient à leur triste sort de façon trop violente pour leurs petites âmes de Pôooovres… ? Apparemment certains doivent le penser. Alors quoi ? Cantonnons-nous aux Aldi ? Netto ? Tout à moins de 1 euro ? Ils feraient pas des échoppes pour les « Tout pour moins de 1 neurone » en même temps, parce que, à ce moment-là, pauvres et riches (et bien-pensants) pourraient au moins se retrouver dans une quasi homonymie de lieux d'approvisionnement.

Non mais c'est quoi le problème ? J'ai pris un chariot, alors le bougre s'imaginait sûrement que comme toute famille à multiples marmots qui se respecte, j'allais le bourrer jusqu'à la garde ? Et sinon, juste pour éviter de se faire mal au dos avec le pack d'eau, ça non, on n'imagine pas ? Mais enfin le pire c'est que même en lui disant que je suis au chômage et que j'ai déjà un peu de mal pour moi, il me gratifie d'un «  et alors, c'est pas une raison… » Alors dis-moi, connard, c'est quoi la raison qui fait que tu auras le droit de te dispenser de sortir tes derniers pesos pour nourrir quelqu'un qui en aura peut-être moins besoin que toi ? C'est d'être assujetti à l'ISF ? D'habiter dans un paradis fiscal ? Parce que, apparemment, ça c'est bien une raison largement suffisante et qu'on ne remettra pas en cause. Tu vas oser lui dire à Mamie Zinzin, tu vas oser aller la chercher dans son Fauchon natal pour lui demander de raquer pour les pauvres ? EH BEN ALORS SI TU OSES, FAIS-LE, CONNARD ! Au lieu de raquer ceux à qui tu devrais donner ta boîte de nouilles à moins de 1 euro spontanément et avec un sourire, au lieu d'essayer de les faire culpabiliser !

Ce petit coup de gueule contre cet abruti de bénévole qui m'a flingué encore plus ma corvée de courses à la recherche des offres promotionnelles, ce qui n'est pas une mince affaire vu les contrefaçons de promotions qui fleurissent en tête de gondole de la plupart des supermarchés, du genre quand tu fais la différence entre le prix du pack soi-disant promotionnel et le prix du même lot à l'unité, tu te rends compte de la supercherie. Du coup, il faut être un yamakasi du supermarché pour en ressortir s'en s'être fait berner d'au moins une dizaine d'euros…

Oui, c'est sûr que c'est mieux, dans la vie, quand t'as des sous.

Déjà, tu pleures pas à chaque fois qu'on t'appelle pour t'offrir des volets ou des fenêtres et qu'on s'excuse parce qu'on ne savait pas que [vous] n'étiez pas propriétaire…

Tu n'as pas non plus à passer trois heures à la caisse du supermarché pour faire valider tes soixante-quinze bons de réduction.

Tu ne vas pas non plus chez Del Arte (ton restaurant le plus hype à toi) que quand t'as la seconde pizza pour 1 euro.

Tu n'invites pas non plus ton ami au Bistrot pour son anniversaire, parce que le jour de son anniversaire, ils lui offrent le repas.

Tu ne rends pas un cadeau qu'on te fait parce qu'il va falloir débourser un peu d'argent pour en profiter pleinement.

Tu ne te demandes pas avec angoisse ce qu'on va t'offrir à Noël, par peur de ne pouvoir répondre à ton tour de façon à peu près équivalente…

Tu ne prends pas ton pain chez Simply parce que la baguette est à 49 centimes… (Tu vas chez Paul parce que la baguette est à 1,15 ct et que pour ce prix-là, le pain est deux fois plus petit, mais tu aimes ce qui est surévalué)

Et surtout, comble de la sauvegarde de ta dignité et de l'estime que tu te portes, tu ne te fais pas glisser dans la main par tes parents, discrètement, un petit chèque avec des zéros parce qu'ils ont pitié de toi… et qu'ils sont morts de culpabilité.

Bref, la liste est longue, mais c'est sûr, hein, et c'est démontré, c'est mieux d'être riche.

lundi 19 novembre 2012

Dépression - Ma vie fantôme


Je fais partie d'une génération de femmes qui ont une vie fantôme. Une impression de vivre qui se veut suffire à elle-même. Poussées par le vent dans le sens qui lui convient, sans réussir à redresser la barre, à prendre possession du gouvernail.
Ne pas réussir à incarner ses émotions, à les vivre et à leur faire diriger l'action.
J'ai l'impression d'être un fantôme dans cette vie qui ne veut pas de moi (ou bien est-ce moi qui ne veux pas d'elle ?), un être désincarné qui transiterait dans un monde parallèle. Je suis transparente, une extra-terrestre, blanche. Morte, quoi.
Même mes émotions, qui tentent parfois une incursion, décident de me fuir plutôt que de m'assister, me transporter.
Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'il s'est donc passé pour que nous imprimions cette résignation, cette capacité à nous vider de notre substance aussi rapidement que défile la vie ?
Comme si nous nous excusions d'être là, d'être peu de choses au fond.
Honte de n'avoir réussi ? Honte d'être une femme ? Peur d'assumer nos désirs ? Qu'il parle ce blocage, qu'il m'apprenne les fondements de son mécanisme ! De quoi a-t-il peur ? Que je laisse s'exprimer mes émotions ?

Sexe - Fantasme de l'homme parfait 2 ; Mais lâche l'affaire !

Je suis tombée amoureuse de l'homme parfait. Parce que sa perfection est relative à ma propre sensibilité, à ma propre vision de l'homme parfait.
J'ai pas envie de lâcher l'affaire.
« Je suis tombée amoureuse de toi ! » lui crié-je en rêve, mais j'arrive pas à prendre ce risque, parce qu'alors peut-être bien qu'il faudrait que je le quitte. Et toi, mon homme parfait, je veux pas te quitter. Parce que je suis tombée amoureuse de toi. Je veux continuer à rêver que tu reçoives ce témoignage d'affection puisé au plus profond de mes tripes comme un trésor que tu attendais depuis longtemps et pas comme tu découvrirais un de ces mots d'amour dans les bonbons surprises, avec tendresse, avant de le jeter à la poubelle.

Allez, lâche l'affaire, me dit le petit esprit posé sur mon épaule. Mais non ! J'ai pas envie de lâcher l'affaire, parce que cette fois, l'affaire est belle, elle me plaît. Jusqu'ici je faisais les soldes, et je regardais les produits de luxe rutiler dans des bras chanceux. Mais là, j'ai vu un produit de luxe qui me regardait, qui s'intéressait à moi, alors comment pourrais-je vouloir lâcher l'affaire ? Je veux en savoir plus. J'ai pas décrypté l'essentiel, j'ai rien lu, j'en suis qu'au prologue du journal de mes émotions. C'est trop difficile de fermer le journal après avoir entrevu les scoops et les unes prometteuses. Impossible, même. Quelle idée d'avoir un prénom qui est à la fois un nom commun et un adverbe. Chaque slogan publicitaire, chaque chanson, chaque film, émission, magazine, livre porte ton nom que je réussis à débusquer même enchâssé dans un autre mot ! Tu es omniprésent malgré toi, en surimpression sur la matrice de mon cerveau. Mon corps me rappelle sans arrêt les sensations que j'éprouvais à ton contact. Je compare tout à l'aune de tes paroles, de ta présence… Personne ne t'arrive à la cheville, j'ai tout misé sur toi. Trop. Et je continue à tenter de t'apercevoir. Je prends chaque simultanéité de ta présence comme un signe que tu me cherches toi aussi, que tu m'attends. Comme une sentinelle, un ange-gardien qui voudrait s'assurer que je vais bien, que je ne vais pas m'écrouler. Quand j'entends ta voix, sachant que tu es là, je me sens bien, apaisée. Je t'aperçois et je revis. Comme si l'air qui nous séparait irradiait ta présence, se chargeait de t'emmener jusqu'à moi. De t'enlever jusqu'à moi. Comme un corps attire à lui spontanément ce dont il a besoin. Malgré lui. Le hasard est si lâche de ne pas se montrer comme tel et de nous faire croire aux signes de la vie. C'est terrifiant. Aliénant. Mais comment rejeter ce qui fait tellement de bien ? Je n'arrive pas à faire un pas vers toi, pour savoir, essayer de deviner... J'ai trop peur. « Viens me chercher, je t'en prie ! » la phrase qui tue, car elle se perd en écho dans le gouffre de mes entrailles. Elle n'affleure même pas mes lèvres, qui n'y croient pas, qui n'y croient plus…

samedi 3 novembre 2012

Sexe - Fantasme de l'homme parfait

Celui qui te transforme, celui qui réveille ton être endormi. Je l'ai croisé celui-là, un peu baroudeur, voix envoûtante, cœur sur la main, sang chaud. Je me transformais à son contact. J'avais des ailes, les forces décuplées, l'impression que tout était facile, en fait. Alors j'en ai profité. Je me suis repue de son contact, rassasiée de l'effet qu'il produisait sur moi. J'y ai puisé jusqu'à la lie ce qu'il me fallait pour avancer. J'étais femme, confiante, fortifiée. J'avais un remède !
 
Depuis, je ne fais que penser à lui. Et pourtant il ne s'est rien passé, enfin concrètement car dans mon petit corps endormi, il s'en est passé des choses. Combien j'aimerais encore bénéficier du pouvoir de son aura. Mais oui ! il faut oublier. Tourner la page encore. J'ai eu du mal à la tourner, celle-ci, elle était en plomb. Je n'arrive pas à retrouver ces sensations ailleurs, autrement. Je suis devenue dépendante. J'ai bien essayé de m'accrocher, j'y suis restée dans son aura, même encore maintenant, j'ai trouvé la parade. Mais je vais la tourner cette page. Avec mes petits bras musclés, on va y arriver. Et dire que je n'ai même pas réussi à l'approcher pour le connaître mieux. Je lui ai tourné autour, à coups de rougissements, de battements de cils Je me suis très vite fait capter par les collègues. Certains plaisantaient ou faisaient des allusions à mes mines enamourées. J'ai fantasmé, je me suis imaginé des choses. Et puis, la roue de la vie a tourné et m'a exclue de la bataille ou plutôt m'a fait comprendre qu'il fallait que j'accepte, que je fasse autrement.
 
Syndrome du gâteau appétissant. Qu'est-ce qu'on fait quand on n'a pas de dents ?
 
J'ai cru que je devenais « érotomane », vous savez la maladie des gens qui font une fixette, je me suis accrochée longtemps, espérant le voir, lui parler. Aujourd'hui, je me décroche, je comprends, je prends de la distance avec mon fantasme. J'en ai passé des heures à espérer ardemment ce jour où nous pourrions parler, enfin, en tête à tête. J'ai attendu un geste, un regard qui en dirait plus long que les autres, mais rien, enfin rien de concret. Il faut que je me range à l'évidence : cet homme ne m'a jamais aimée et peut-être même qu'il a souri, que mes attitudes ont été le sujet de railleries collégiales. J'ai longtemps hésité, pour me le sortir de la tête, j'avais pris une bonne résolution : aller le voir, ou lui téléphoner pour lui faire part de la situation. Et puis, non. Pas le courage. Peur de me prendre une claque. La claque, celle qui fait bien mal, celle du retour en pleine face de la réalité et pourtant, j'en ai besoin de cette claque, pour me réveiller, avancer.
 
Bref. Le pire, c'est que je ne me suis pas fait larguer en me jetant à l'eau, non, je me suis fait jeter rien qu'en ne faisant rien. Les choses se sont tassées naturellement. Et du coup, c'est comme si rien ne m'avait recadrée, comme si rien n'était venu déjouer mon fantasme et donc comme s'il avait encore lieu d'être. Alors je dois m'efforcer de ne plus y penser. Je dois arrêter de m'en vouloir d'être peut-être passée à côté de quelque chose, pur fantasme. Mais quand le cœur m'en dit, je repense aux allusions des collègues Si ça se trouve, on aurait pu… Je redeviens cinglée, c'est l'érotomanie qui me reprend.
 
Je dois reconnaître cependant que j'avais sérieusement besoin de ce qu'il m'offrait, même s'il ne m'offrait rien. Aïe. Allez comprendre.
Je crois maintenant que c'est ça que je vais rechercher chez un homme.
 
Mais c'est pénible de ne pas attirer les hommes dont tu as besoin, ceux qui réveillent en toi l'envie de séduire. C'est comme un jardin des fruits défendus. À un moment il faut sortir du jardin, parce que c'est trop frustrant. Peut-être que je suis sortie délibérément du jardin.
 
Et si je trouvais un autre remède ? Oui mais pourtant c'est l'amour qui fait avancer. Oui, mais je vais jamais y arriver alors si je me fais jeter à chaque fois. Oui mais d'où je me fais jeter d'ailleurs ? Pour qu'on me jette, faudrait d'abord que je me lance ! Oui, mais j'ai trop peur de jouer dans la cour des grands Oui mais STOP ! (hou j'ai mal au crâne)
 
Le remède est inatteignable. Fin.


jeudi 1 novembre 2012

Sexe - Le Dieu Internet

Mes balbutiements sexuels et amoureux ont été chaotiques. Mon initiation s'est faite avec Tchat plus et Meetic et non avec Stéphane, Antoine ou Matthieu. Les préliminaires étaient donc un peu froids, si l'on considère le manque de réceptivité affective du clavier et de la souris.

«  Bonjour, moi c'est lfqrt.
Enchanté, moi c'est bidule92.
Bon ben quand est-ce qu'on baise ?
T'es dispo, là ?
Oui.
Oké. Viens chez moi, j'habite chez une copine.
D'accord. T'as des capotes ?
Ah non, merde ! Tu peux aller en acheter ?
Oké, je passe à la pharmacie. »

Romantique, non ?

Bon il faut que j'édulcore un peu car ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. (et pourtant lorsque je vois certains sites et que je m'approche des forums, j'ai peur que ma fiction ne soit encore bien en deçà de la réalité.) Mais pour moi, parangon d'une certaine pudeur inscrite dans mes gènes, cela a revêtu des atours plus mesquins, presqu'à me faire croire qu'on pouvait trouver le prince charmant comme ça. On ne se connaissait ni d’Ève ni d'Adam, alors on est sortis quelques fois ensemble, se rassurant dans des préliminaires à coups de promenades dans le parc et autre cinéma, et le grand saut ! Un fiasco. Mais le privilège de brandir l'étendard « je ne suis plus vierge » !

Passons. Même s'il a fallu du temps pour que je passe sur cette aventure plutôt expérimentale qu'amoureuse, ma mauvaise conscience m'accusant d'être une fille facile, etc.

Et j'ai remis ça. Meetic, cette fois-ci. Pour trouver l'homme de ma vie, bien sûr.

Un ptit métisse appétissant. Deux-trois tours du parc pour la bonne conscience et hop, grand saut !
Fiasco, mais moins pire. Petit fiasco avec légers frémissements de plaisir.

Était-ce l'homme de ma vie ? Sûrement ! Mais pourquoi n'étais-je donc pas amoureuse ?

Suivant !

Dieu Meetic à l'aide !

«  Bonjour je suis Machin403.
Bonjour, moi c'est lfqrt.
Tu es où ?
Ici. Et toi ?
Là.
Tu viens chez moi ?
Euh (pour faire la fille qui a des principes) d'accord. »

Le soir même je débarque dans l'appartement de Machin403. Il est tout beau, en costard. Cette fois ça va être du sérieux. Il a une bonne situation, il a l'air sympa, drôle et surtout séduit ! Oui, il balbutie, il s'approche de moi précautionneusement, comme si j'étais un petit bijou, il me lance des regards fiévreux et semble être assailli par une moiteur révélatrice. Je suis tellement contente de séduire Je bois un verre, je mange des petits gâteaux, nous flirtons en essayant de se faire chacun un résumé de notre vie (parce qu'on ne se connaît pas du tout et qu'on ne pourra pas coucher avec un parfait inconnu). Dix minutes plus tard, on se met dans le canapé. Et il a envie de m'embrasser. Je suis fébrile, légère, je me sens si bien que je le laisse faire. Il m'embrasse et glisse sa main entre mes jambes. J'en ai très envie et surtout vraiment besoin. Je ne joue pas la résistance. Les jeux sont faits.

« On va dans la chambre ?
Oui », fais-je complètement alanguie de désir. 

Je pensais que c'était l'homme de ma vie. J'y retourne quelques jours plus tard. Nous faisons l'amour et il me demande de partir. La claque.

L'éventuel homme de ma vie devient un plan cul. Et moi, une Enfin non, pas plus que lui, en fait. Mais je ne prends pas la fuite. J'en profite. J'ai tellement besoin de cul. Besoin d'un homme aussi, mais la complicité attendra.

Sauf qu'elle ne vient jamais. Je ne suis pas amoureuse, lui non plus. Je fonds en larmes à plusieurs reprises dans ma voiture, en rentrant chez moi. Je mets un terme.

Mais il m'en fallu encore un, avant de comprendre que Meetic ne proposait que des « plans cul », mais à défaut d'autre chose, je saurais m'en contenter, alors j'y retourne. Le nouveau plan cul a l'air quelqu'un qui cherche le grand amour. Non ! Et si c'était possible alors ? Je suis peut-être la bonne !

On sort un peu ensemble, car celui-là, il faut le ménager. Et puis, il vient chez moi. Il commence à vouloir me faire un massage. Je me laisse faire et le massage devient plus profond, plus intime...

J'essaierai de m'accrocher un peu. Celui-là, il force mon admiration par son statut professionnel et sa vie associative riche et mouvementée. Il me laisse m'accrocher et puis un beau jour, il me dit que son ex-copine l'a relancé et qu'il va se remettre avec elle. Crochet du droit.

C'est moi, ou bien Je devrais perdre confiance, là, non ? Eh bien oui, effectivement. Je capitule et laisse mon clavier aux souris.

Tout ça, en fait, pour découvrir mon corps et me sentir comme tout le monde. Internet Dieu du sexe pour les émotifs et autres complexés, fabrique à putes. Point. Eh oui, Internet a réveillé la pute qui était en moi.

mercredi 31 octobre 2012

Sexe - Fuis-moi je te suis ; suis-moi je te fuis

Imaginez des beaux gâteaux appétissants qui défilent devant vos yeux sans que vous n'arriviez à en attraper un pour le dévorer à pleines dents. C'est toute la complexité de ma vie sentimentale. Depuis que le mot « sexe » fait partie de mon vocabulaire, qu'il n'est plus tabou, mon corps s'autorise à montrer ses émotions, à se laisser séduire. C'est comme ça que j'ai pu enfin éveiller la curiosité des hommes qui me plaisaient. Avant j'étais transparente ou alors considérée comme un extra-terrestre. J'ai séduit, enfin ! Mon corps a fini par comprendre qu'il possédait un don, celui de pouvoir attirer la gent masculine. Mais dans mes tentatives maladroites, rien ne s'est jamais passé comme je le voulais. Mes peurs toujours aux aguets ont bien veillé à me pourrir la vie et à me faire fuir ce qui pouvait me libérer. Je vous ai fuis Matthieu, Antoine, Stéphane... Comme j'ai fui les mains qu'on me tendait, les réponses à mes signaux de détresse. Peur d'être rejetée ? De pas être à la hauteur ? Un peu de tout cela. Mais je me suis épuisée moralement et physiquement à espérer toujours et encore.

Car j'ai espéré, désespérément. Mon âme de petite fille, puis de jeune fille, de jeune femme et de femme a espéré avidement, romantiquement.

Je me souviens de ce jour où je rentrais de la fac de médecine, en traversant le parc, comme chaque jour. Je marchais nonchalamment, un peu pressée de retrouver mon chez-moi pour souffler, goûter, me distraire. À l'époque, j'étais tellement mal dans ma peau que je me nourrissais de complexes que j'entretenais à m'en faire pleurer très souvent. Mais en traversant le parc, ce soir-là, je revois ce petit morceau de papier avec cette phrase écrite à la main : « Vous êtes belle ». Je ne savais pas à qui était destinée cette phrase, ni même comment elle était arrivée, là, échue sur le gravier de l'allée du parc, mais, elle m'a ravigotée pendant quelques instants. C'était comme si elle m'était destinée, à moi et rien qu'à moi. Comme si quelqu'un m'avait observée et avait scrupuleusement placé ce petit mot sur mon passage. J'ai vécu sur un nuage de romantisme tout le long de ma traversée du parc et bien des jours après.

Voilà un exemple de la puissance de mon désespoir, à cette époque, qui pouvait facilement me faire prendre des vessies pour des lanternes.

Mon esprit me joue encore des tours à l'époque actuelle, comme s'il voulait que je ne renie pas ce côté romantique et éperdu d'amour que mes complexes m'ont fait cultiver. C'est avec Matthieu que cela s'est le plus exprimé l'année passée. Je pourrais écrire un roman à l'eau de rose d'anecdotes vécues, en omettant la part de hasard et de fantasmé. Un soir que nous travaillions ensemble, je remontais le couloir qui menait de l'infirmerie à la salle des éducateurs et je croise une résidente, Joséphine. Au même moment, Matthieu entre dans mon champ de vision, face à moi, et fait en regardant Joséphine : « Si tu as besoin de moi, tu m'appelles, hein ? » Évidemment qu'il s'adressait à Joséphine, mais dans ma tête, Joséphine, c'était moi, parce que, oui, là, c'était bien moi qui avait autant si ce n'est plus besoin de lui. La vie joue des tours comme ça, elle s'amuse à jouer avec nos états d'âme, nos besoins, nos fragilités. Dans la salle du personnel, encore une fois, comme ça, en réunion, nous parlions d'un jeune handicapé qui avait maille à partir avec sa douce, une résidente, avec qui il formait un « couple ». Il s'agissait d'une histoire d'amour où l'un avait tellement d'emprise sur l'autre qu'il le faisait souffrir. Je ne me souviens que de cette phrase de Matthieu, parlant de ces deux résidents, en s'adressant à moi (ou alors est-ce encore une construction de mon esprit) : « Ils ont des choses à vivre, ensemble ». Mon hypersensibilité sentimentale m'a immédiatement fait tirer partie à son avantage de cette situation. Je passais dans un continuum espace-temps où les rôles étaient inversés. Il ne s'agissait plus de ces deux résidents, mais de moi et de lui. Mon imagination prolixe s'accaparait tout de suite le version fleur bleue. Heureusement que je n'ai pas répondu de vive voix, mais franchement, j'étais à deux doigts.

Il fallut aussi un autre soir qu'il passât à côté de la table où j'étais assise avec quelques résidents qui dessinaient. Il commence à jeter un œil sur les dessins, depuis le bout de la table où il était jusqu'à l'autre extrémité de celle-ci où j'étais moi-même assise près d'une résidente. Il y va de son commentaire au fur et à mesure qu'il remonte la tablée : « Oh il est joli ton bonhomme, Sabrina ! Très jolies tes fleurs, Amandine ! Super, Vanessa, ta maison ! » Il m'a semblé qu'il n'avait pas commenté le dernier dessin, que j'avais sous les yeux, comme un étendard que j'aurais brandi sous son nez si l'on avait été dans un film de Tim Burton : un joli cœur tout rose.

J'étais prête à écrire des scénarios chez Harlequin.

Merci la vie. Tu te joues de nous, tu t'amuses à créer des situations ambiguës. Mais tu devrais savoir que pour un petit cœur comme le mien, ça peut faire plus de dégâts que de bien et que c'est encore pire lorsque l'on est déprimé car dans ces moments-là, tellement accaparé par soi que l'on est, on a tendance à tout ramener à soi. Si je parle enfin de cette dernière situation, c'est pour montrer à quel point la vie a voulu me faire craquer, oui, c'est ça, elle a voulu me faire craquer, lorsque j'ai accompagné des résidents au cinéma avec Matthieu : le film choisi, c'était les Émotifs anonymes avec Isabelle Carré et Benoît Poelvorde. L'histoire d'une jeune fille extrêmement émotive, malmenée par ses accès émotifs. À la sortie du film, pendant lequel bien sûr, je n'ai manqué de faire le rapprochement entre les problèmes émotionnels de l'héroïne et les miens, il fallut que Matthieu fume sa clope et me dise qu'il trouvait Isabelle Carré vraiment très jolie. Je suis sûre que j'ai rougi, quand bien même il ne parlait absolument pas de moi.

Mon avidité sentimentale, elle, me faisait et me fait encore saisir chaque opportunité pour tourner le film de ses fantasmes, c'est dingue.

Alors, j'ai compris. Oui, c'est là que j'ai compris que j'avais la sensibilité affective d'une gamine de quinze ans. Prends ça dans la tronche, déjà. Assimile. Une petite fille qui découvre les sentiments et les sensations amoureux.

Évidemment, cette faiblesse, si elle n'est pas vite transformée en force te fracasse contre le mur du réel. Je n'irai pas jusqu'à dire que ma vie sexuelle est à l'origine de mon échec professionnel, enfin de mon incapacité à me projeter dans une vie professionnelle, mais je serais tentée, tout du moins, elle y a participé. La fille qui ratait tout, sponsorisée par les préservatifs Manix. Il faudra y penser...

Suis-je maintenant dans la catégorie, « recueille le fruit de ses multiples ratages affectifs » ? Vit sur ses « regrets » et habitée par l'échec et le désespoir de n'avoir un jour une vie sexuelle épanouie ? Peut-être

J'ai donc beaucoup quitté, pas seulement les situations, les gens aussi. Je les ai fuis, pour ne pas leur faire subir mes ratés émotifs. Et j'ai fui pour me protéger. Les gens que j'aimais...

Allez, la page est tournée. Je dois la tourner la page (message récurrent envoyé à ma caboche). Et à l'instant je la tourne : j'entends le crissement du grain de son papier, l'air qui s'engouffre sous sa courbe aérienne qui va bientôt s'inverser pour coller à sa voisine de droite. Je vais tenter de t'oublier, Matthieu, tu m'as offert mon conte de fée, mais l'illusion doit laisser la place au réel, maintenant. De toute façon, je n'étais qu'un nuage transparent au milieux des tornades qui gravitaient autour de toi. Passera le temps, les sentiments, et les tourments.

Je lis Céline et ça résonne en moi. « Je n'en finissais pas de quitter tout le monde » ; « C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir ».

C'est peut-être ça que je cherche moi, en quittant les gens, le chagrin qui rend à soi-même. Pourquoi on se sent vivre dans le chagrin ? On sent la déchirure, le poids du passé, les souvenirs, les émotions vécues. On sent aussi l'inachevé, le remord, le manque, le vide.

J'en peux plus. Je voudrais arracher de ma tête ce truc qui me bloque, trouver ce qui me ferait avancer. Je me suis construite sur des échecs et ceux-ci me pourrissent le crâne. Je voudrais revenir en arrière, comprendre et résister aux assauts de mes peurs, les affronter, trouver du soutien, ne pas lâcher, saisir la main tendue, et ne pas m'en décoller. C'est pas que je n'ai pas eu de mains tendues, mais… J'ai envie de pleurer là, en repensant à mon travail de sape. Je me suis programmée pour rejeter toute aide. Je voudrais leur dire à toutes ces mains tendues que je n'ai pas saisies que je suis désolée, que je n'ai pas réussi, que j'aurais tant voulu, que je ne sais pas ce qui va pas chez moi, que j'ai tant besoin d'aide. J'ai tant besoin d'être sauvée… sauvée de moi-même, pour être apaisée, soulagée, entourée.

J'ai besoin d'aide, terriblement besoin d'aide, et plus de ces regards navrés, impuissants à m'aider et qui finissent par être le signal d'un abandon. Je veux plus qu'on m'abandonne. Je veux qu'on me retienne, qu'on compte sur moi, qu'on essaie de m'aider, vraiment, au lieu de prendre cet air navré au moment où je pars. J'ai tellement pleuré d'être ainsi abandonnée. J'ai l'impression d'appartenir à cette catégorie des gens à la dépression inéluctable, ceux dont on se dit : « c'est comme ça… » « pourtant, on a essayé ». Mais non ! Bon sang ! Pourtant, on n'a pas essayé ! On a juste essayé de me faire rentrer dans un moule, mais jamais de me comprendre !! J'avais besoin de vie, moi, pas juste de règles et de principes et de cadre… de vie, d'amour. J'étais intelligente, j'avais des bonnes notes, alors c'était le principal ! Et pourtant, moi je sais que j'avais besoin d'autre chose. Et c'est cet autre chose qui me hante maintenant et me retient, joue avec moi, me nargue : « Ah ah tu vois, t'avais besoin de moi, t'as pas voulu me voir, eh ben t'as raté ta vie ! Hihi ! » On vit pas sur des regrets ? On n'avance pas, avec des regrets. Point. Mais les regrets, comment ça se quitte ? On prend un comprimé et voilà, plus de regrets ? Je suis avec l'ami Xanax, et pourtant, ils sont toujours là.

Je suis pas ce que j'ai l'air ; j'ai l'air de ce que je ne suis pas : un zombi en sursis, un zombi, être sans vie, vidé de sa substance. J'en peux plus…

Je veux renaître, ça j'en suis sûre : je le veux ! Je le veux de toutes mes forces, de toute mon âme, de toutes mes cellules ! Je veux repartir sur la route des désirs, des envies, des sourires, des émotions, des amitiés, des rencontres, des souvenirs heureux. Je veux pas accumuler les souvenirs malheureux. Ma besace est déjà pleine. Laissez-moi le temps pour ceux-là, donnez-moi du répit. Autorisez-moi une dispense au registre des disparitions, tristesses et remords. Je vous promets que je saurai utiliser cette dispense à bien pour accueillir plus forte ces souvenirs-là. Parce que là, ils m'écrasent, ils me poussent avec eux, vers le bas, ils me tentent, ils m'attirent. J'veux du bonheur pour compenser. J'veux plus d'échecs et de remords. J'peux plus.

Bon mais je vous désespère là. Je m'apitoie sur mon sort, je vous sors le larmoyant, et vous n'êtes pas dupes. D'ailleurs ça ne prend pas avec vous. On vous la fait pas le coup de « j'aimerais bien mais j'peux point. » C'est de la couardise, de la cinquième vitesse avec le pied sur le frein qui vous épuise comme ça m'a épuisée et a épuisé mes prétendants (si vous avez bien suivi). Et je ne compte pas écrire la suite des Misérables. Alors maintenant, ce sera sexe. Et libre cours à mes fantasmes !