Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

dimanche 28 octobre 2012

Dépression - Psychologie du suicidé.

Demain, je passe encore un concours. Un concours de quoi ? Pourquoi ? Je ne sais même plus. Un concours pour avoir bonne conscience et croire encore que je corresponds au profil type qu'un employeur à envie d'avoir chez lui. Ne pas voir la réalité en face, toujours se voiler la face. Ptet qu'un sourire, un petit mot bien placé, plein de conviction dans la voix ? Croyez-vous qu'ils vont miser sur moi ? Combien l'enchère ? Allez, allez, soyez sympa ! Trente-deux ans, ça peut encore faire carrière ? C'est pas trop fripé, ça a de belles dents, plein de vigueur ! Mais comment donner l'envie de parier sur moi quand moi-même je ne parierais pas sur moi L'épreuve du réel, elle vous achève, elle détruit vos illusions, elle broie vos ambitions, votre motivation… Le nœud du problème : placer sa confiance en quelqu'un qui n'en a plus. Chercher la valeur de qui ne veut plus se vendre. À quoi bon ? Et qui fait encore ça, de nos jours ? Ben personne. Si tu veux plus te vendre, ben on te met en promo et au bout d'un moment, on te jette au rebut. Quitte à toi de trouver un bon-samaritain sur ton chemin. Mais… ça ne court pas les rues.

Et puis, il y a la dignité, toujours la dignité Mais jusqu'où faudra-t-il que je descende pour me la foutre au cul ma dignité ? Y a-t-il un moment où elle vous lâche, la dignité ? Un moment où vous seriez prêt à faire n'importe quoi ? Faut-il être sur le seuil des quatre planches pour accepter d'être sauvé ?

Quand tu es tombé tout en bas, tu ne peux plus que remonter. Alors, faut-il tomber tout en bas ? Faut-il en passer par là ? Poursuivre ce raisonnement est difficile, peut-être parce que je me rends compte que je suis en train de descendre tout en bas, dans une glissade qui ne finira sa course qu'au fond du ravin, alors j'ai peur.

Si encore, on pouvait passer son tour ? Admettre qu'on a mal joué et reprendre au départ. Ben non, la seule solution, si on veut vraiment passer son tour, c'est… N'y pense même pas ! Et encore on n'est pas sûr de se remettre sur la case départ. Ils y ont pensé les gens qui passent à l'acte ? Ils se sont renseignés avant, pour savoir si on avait le droit de rejouer ? Ou alors ils se sont dit qu'ils verraient bien, une fois de l'autre côté… Ptet qu'ils jouent à un autre jeu à l'heure actuelle ? Avec d'autres règles… En tout cas, j'espère qu'ils ont de meilleures cartes que celles qui les ont poussés au game-over ici bas. Les voix du Seigneur sont impénétrables et le resteront apparemment encore un bon moment. En même temps, arrivé à ton point de non-retour, ptet que tu te fous royalement de ce qui t'attend et que même si c'est Saint Pierre qui te reçoit avec son plus beau sourire, ben tu lui diras d'aller se faire foutre, dans un dernier élan anarchiste et désespéré et que son jugement dernier, ben, il peut se le fourrer là où tu penses. C'est vrai, ça ? Ptet bien que c'est comme ça que je réagirais moi, si j'étais vraiment au bout du rouleau au point de vouloir tout bazarder, corps et âme. Pourquoi on devrait rendre des comptes, merde ? Quand toute sa vie, on s'est déjà pris la tête ? Tu crois qu'il pense à ça le suicidé, au moment de monter là-haut ? Alors… euh…voyons… est-ce que je vais me faire engueuler d'avoir abréger ma vie, ou bien va-t-on me féliciter d'avoir eu le courage de sauter le pas ? C'est dingue, ce qui peut bien se passer dans la tête d'un suicidé. Ça mériterait un bouquin, ça : « Psychologie du suicidé ». Penser à faire une enquête-terrain une fois là-haut pour valider ou invalider les hypothèses… J'imagine la prospection :

«  Alors Richard. Vous vous êtes suicidé par pendaison au mois de mai 1992. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Oui, donc bon ben c'était à cause de mes dettes et de ma femme qui m'a trompé avec mon meilleur ami.
Effectivement, Richard, c'était une raison valable. Une question cependant : ce serait à refaire, le referiez-vous ?
Je ne sais pas… je dirais que ça n'était pas très agréable, déjà. Un peu long. Peut-être que j'utiliserais une autre méthode.
D'accord Richard. Vous pensez donc vraiment que la vie ne vaut pas d'être vécue.
Tout à fait.
Merci Richard. »

« Bonjour Marie-Dominique.
Bonjour.
Marie-Dominique, vous vous êtes suicidée le 14 juillet 2002. Alors pourquoi ?
Eh bien, je ne sais pas, en fait. Je crois que j'avais trop bu, et j'avais très mal à la tête. Je venais de me faire plaquer par mon mec, et l'alcool aidant, j'ai sombré dans un petit délire paranoïaque. J'ai attrapé la boîte de médicaments qui traînait et la bouteille de Destop pour faire passer.
Vous regrettez ?
Oui, bien sûr, de toute façon, je ne l'aimais pas mon soi-disant petit-ami. Je ne sais pas pourquoi le fait de boire et les bruits de la fête dehors ont créé chez moi cet état dépressif.
Marie-Dominique, en effet, c'est dommage, car apparemment, vous alliez gagner au loto le mois suivant…
Eh merde ! »

« Richard, vous attendiez-vous à cela, une fois passé de l'autre côté ?
Ah non, pas du tout, je voyais pas ça comme ça, mais ça va, c'est supportable au moins. »

« Marie-Dominique, à quoi pensiez-vous que ressemblerait l'après-vie ?
Oh là là, mais j'y pensais même pas, moi, ça m'est tombé dessus ! Mais si j'avais su, je peux vous dire que j'aurais pas avalé le cocktail au Destop, qu'est-ce que je me fais chier ! Mais qu'est-ce que vous allez en faire d'ailleurs, de votre caméra, y a même pas la télé ici.
Effectivement, Marie-Dominique, l'on peut donc constater que Dieu a de l'humour…»


Oké ? Bon. Donc Non.

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