Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

lundi 29 octobre 2012

Sexe - A l'origine de tout

Sexe, sexe, sexe. Voilà. Je l'ai dit, c'est écrit, ce mot n'est pas TABOU ! Il le fut trop et si longtemps de me torturer de l'être... volée une adolescence qui cahotait sans vraiment savoir que sexe, sexe, sexe m'aurait aidé. Ce mot n'est plus tabou, mais il m'accapare maintenant, il veut récupérer ce qu'on lui a volé. C'est bon, oh oui, c'est bon ; c'est tard, oui c'est tard, mais tant pis ; c'est pas facile, oh non, pas facile...

L'accès à mes émotions s'ouvre, depuis que le mot « sexe » fait partie de mon vocabulaire, et c'est une sensation étonnamment irrésistible, étonnamment parce que c'est moi qui suis étonnée que cela fasse autant de bien. Et son absence autant de mal. Il s'en est passé du cocasse pour que j'arrive à ouvrir grand la porte (de mes émotions, pas d'allégorie douteuse). Ce fut laborieux, douloureux, épuisant, souvent frustrant, attristant même parfois.

Découvrir son corps, seule, faire jaillir les idées, les fantasmes, les excitations qui mènent au plaisir, sans culpabiliser ; sans culpabilité, oui, c'est cela qui libère le plus : chasser la culpabilité. Celle-ci fut chassée et bien chassée, comme on chasse son bourreau au moment d'apprendre qu'on est gracié. On lui met les fer, on le jette au cachot et on lui fait des grands pieds de nez.

C'est une révolution intérieure qui s'effectue alors sur trois temps : disparition de la culpabilité, prise de confiance en soi et découverte de son pouvoir de séduction.

Ma vie sexuelle à retardements ne fut pas une sinécure : une profusion de sensations trop longtemps mises à distance dans un corps brimé qui explose de désir.
Un petit diable au corps qui s'agite alors, s'emparant de mon cerveau, de mes émotions, et s'use à me pousser à la séduction intempestive. J'étais à fleur d'émotions. Une belle enveloppe corporelle à proximité, un regard, et hop, besoin de liquide de refroidissement d'urgence. Ça « craignait », mais prisonnière de ma culpabilité aussi longtemps que je fus, l'accès à mes émotions et le bien-être ressenti lorsque le moteur s'emballait, m'empêchait de ressentir de la gêne ou de me juger. Je faisais même tout pour qu'advienne cette douce sensation d'enivrement des sens. Un combat avec mon inconscient s'engageait parfois qui, lorsque ce dernier gagnait, me rendait morose et figée.
 
Je me souviens de la première fois où j'ai attiré le regard masculin de façon claire et sans confusion possible. J'étais chez moi et un technicien devait venir relever le taux de plomb dans les canalisations ou d'amiante dans les peintures, je ne me souviens plus trop... La cinquantaine, l'air avenant, cheveux brun-sel, un peu frisés, costume cravate, affable, rassurant. Je lui demande innocemment si je lui dois quelque chose et il me répond, toujours avec cet air avenant : « Oh, non, sauf si vous voulez me payer en nature. » Je suis un peu soufflée par sa repartie, toute timide et prude que je suis, je souris et décide de prendre cela à la blague, mais il insiste : « Non, c'est vrai, si vous voulez, vous me payez en nature quand vous voulez ». Je lui fais part naïvement de mon étonnement vu l'alliance qu'il porte à son doigt. Il n'a pas l'air de prendre en compte ma remarque - il sent bien que je suis jeune et encore vierge sans doute - et il reprend le cours de son travail en faisant comme s'il n'avait rien dit. Je me plie à ce revirement qui me rassure en quelques sortes. Il m'avait un peu trop troublée. Toute émoustillée que je suis, j'aurai des ailes pendant quelques heures...

Le lendemain, il me rappelle au travail. Il veut m'inviter à dîner et il insiste. Je suis tellement gênée que je décline en prétextant avoir un petit ami et que je ne peux pas lui faire ça. On se croirait dans Dawson, j'en rougis de puérilité et de lâcheté en y repensant. Avec le recul, je me dis que j'aurais dû en profiter. L'expérience d'un homme d'âge mûr m'aurait sans doute beaucoup apporté à ce moment où mon mal-être culminait et où j'étais déjà prête à quitter mon poste.

J'ai rêvé encore avec Antoine et Stéphane. Tous les deux même modèle : celui qui fait monter le mercure. A fleur de peau, Antoine et Stéphane me laissaient toute chose, comme sur un nuage, dès qu'ils approchaient de moi à moins de trente centimètres. Dès qu'ils franchissaient ce périmètre de sécurité affective, mes sens s'aiguisaient et mon corps se réchauffait furieusement. En zoologie, on aurait dit que je me préparais à l'acte. Je crois que si j'avais été plus entreprenante, j'aurais eu le droit de goûter aux joies de l'amour déchaîné et bestial avec ces deux animaux-là. Collée contre un mur, dans toutes les positions, dans toutes les pièces, de toutes les façons, avec renouvellement de l'abonnement automatique, j'étais prête mentalement. Enfin presque

C'était pourtant simple, je n'avais personne dans ma vie, juste un ardent désir à déterrer de son ornière
 
Mon initiation n'a en rien ressemblé à cela. Pas trop s'étendre il ne faut En quelques mots : doutes, désenchantement, panne, douleurs C'était plus American Pie.

C'est toute la différence entre un « il aurait pu y avoir » et « il y a eu ». Entre la vie et le rêve.

C'est comme ça que j'ai dû séduire Mat. Matthieu. Je me souviens du jour où j'ai débarqué dans la boîte. Je l'ai aperçu, j'ai senti que mes sens étaient bouleversés, on s'est présentés, et j'ai senti qu'il pourrait se passer quelque chose. Je pense que lui aussi et ç'aurait peut-être été simple et rapide si je n'avais pas eu à mener ce combat constant avec moi-même. Si j'avais été quelqu'un d'autre, avec un autre vécu, sans les casseroles accrochées à la carrosserie (il faudra que je réfléchisse à ma persistance à me comparer à une voiture, je suis sûre qu'un bon psy lèverait un lièvre avec ça).

Bref. Mais voilà que ces casseroles, ce combat avec moi-même a vite eu raison de moi. J'étais trop à fleur d'émotions, avide d'amour (charnelle), de plaire... que j'étais sans arrêt sur le front avec ma petite chasse-peurs, manque de confiance, repli sur moi, et à force, j'ai épuisé mon « sauveur » qui s'est lassé de m'envoyer des signaux sans retour... Moi je me refusais à ce qui me faisait autant de bien. Lorsque j'étais assise à ses côtés, je rayonnais. Lorsqu'il s'approchait de moi, je rayonnais. Je me sentais d'un coup détendue, bien dans ma peau. Mais je ne maîtrisais pas assez cela et mon inaptitude à conserver cet état, les peurs, et désemparée que j'étais face à ces nouveaux états d'âme, ajouté à la peur du regard de l'autre, etc. ont fait s'écrouler mes espoirs et la perspective d'être enfin libérée de mes démons. Quand j'y repense, je ne donnais pas beaucoup le change et j'attendais quoi ? Qu'il me saute dessus en me disant qu'on était faits l'un pour l'autre ? Qu'il m'embrasse fougueusement et m'enlève tous mes habits... ? Oui. C'est ça que j'attendais.
 
Et dire que ce n'est pas avec toi, Matthieu, que je suis sortie cette année, non c'est avec Cali, le cuisinier. Cali-ente, cali-ente, et moi j'avais besoin de caliente C'était pas de l'amour, c'était du caliente. Belle gueule de métisse, sportif, chaud-bouillant... Il m'a prise dans ses filets. Il est retourné en Guadeloupe, j'ai quitté la boîte. Match nul, balle au centre.  

Je suis devenue putain, de prude à putain, sans transition. Une explosion des sens a ravagé mon cerveau, un raz-de-marée de désir contenu a noyé mes inhibitions.

Je suis Casanovette, et veut posséder chaque objet de mes désirs, qu'ils succombent, et qu'ils me comblent.
Pas facile Casanovette avec la confiance de Cosette. La confiance pas bien établie qui vacille, qui me fait faux bond au moment crucial. Le moment crucial, c'est celui où tu envoies les signaux et où tu t'apprêtes à transformer l'essai, c'est-à-dire à recevoir la réponse à tes signaux, et à les accepter, sans repli, sans fuite en avant, ce qu'a l'habitude de faire Cosette. Rien de plus frustrant pour un homme que de répondre à des avances pour ensuite être débouté.


 
 

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