Sexe, sexe, sexe. Voilà.
Je l'ai dit, c'est écrit, ce mot n'est pas TABOU ! Il le fut
trop et si longtemps de me torturer de l'être... volée une
adolescence qui cahotait sans vraiment savoir que sexe, sexe, sexe
m'aurait aidé. Ce mot n'est plus tabou, mais il m'accapare
maintenant, il veut récupérer ce qu'on lui a volé. C'est bon, oh
oui, c'est bon ; c'est tard, oui c'est tard, mais tant pis ; c'est pas
facile, oh non, pas facile...
L'accès à mes émotions
s'ouvre, depuis que le mot « sexe » fait partie de mon
vocabulaire, et c'est une sensation étonnamment irrésistible,
étonnamment parce que c'est moi qui suis étonnée que cela
fasse autant de bien. Et son absence autant de mal. Il s'en est passé
du cocasse pour que j'arrive à ouvrir grand la porte (de mes
émotions, pas d'allégorie douteuse). Ce fut laborieux, douloureux,
épuisant, souvent frustrant, attristant même parfois.
Découvrir son corps,
seule, faire jaillir les idées, les fantasmes, les excitations qui
mènent au plaisir, sans culpabiliser ; sans culpabilité, oui,
c'est cela qui libère le plus : chasser la culpabilité.
Celle-ci fut chassée et bien chassée, comme on chasse son bourreau
au moment d'apprendre qu'on est gracié. On lui met les fer, on le
jette au cachot et on lui fait des grands pieds de nez.
C'est une révolution
intérieure qui s'effectue alors sur trois temps : disparition
de la culpabilité, prise de confiance en soi et découverte de son
pouvoir de séduction.
Ma vie sexuelle à retardements ne fut pas une sinécure : une profusion de sensations trop longtemps mises à distance dans un corps brimé qui explose de désir.
Un petit diable au corps
qui s'agite alors, s'emparant de mon cerveau, de mes émotions, et
s'use à me pousser à la séduction intempestive. J'étais à fleur
d'émotions. Une belle enveloppe corporelle à proximité, un regard, et hop, besoin
de liquide de refroidissement d'urgence. Ça « craignait »,
mais prisonnière de ma culpabilité aussi longtemps que je fus,
l'accès à mes émotions et le bien-être ressenti lorsque le moteur
s'emballait, m'empêchait de ressentir de la gêne ou de me juger. Je
faisais même tout pour qu'advienne cette douce sensation
d'enivrement des sens. Un combat avec mon inconscient s'engageait
parfois qui, lorsque ce dernier gagnait, me rendait morose et figée.
Je
me souviens de la première fois où j'ai attiré le regard masculin
de façon claire et sans confusion possible. J'étais chez moi et
un technicien devait venir relever le taux de plomb dans les
canalisations ou d'amiante dans les peintures, je ne me souviens plus
trop... La cinquantaine, l'air avenant, cheveux brun-sel, un peu
frisés, costume cravate, affable, rassurant. Je lui demande
innocemment si je lui dois quelque chose et il me répond, toujours
avec cet air avenant : « Oh, non, sauf si vous voulez me payer en
nature. » Je suis un peu soufflée par sa repartie, toute
timide et prude que je suis, je souris et décide de prendre cela à
la blague, mais il insiste : « Non, c'est vrai, si vous voulez,
vous me payez en nature quand vous voulez ». Je lui fais part
naïvement de mon étonnement vu l'alliance qu'il porte à son doigt.
Il n'a pas l'air de prendre en compte ma remarque - il sent bien que je
suis jeune et encore vierge sans doute - et il reprend le cours de son
travail en faisant comme s'il n'avait rien dit. Je me plie à ce
revirement qui me rassure en quelques sortes. Il m'avait un peu
trop troublée. Toute émoustillée que je suis, j'aurai des
ailes pendant quelques heures...
Le
lendemain, il me rappelle au travail. Il veut m'inviter à
dîner et il insiste. Je suis tellement gênée que je décline en
prétextant avoir un petit ami et que je ne peux pas lui faire ça.
On se croirait dans Dawson, j'en rougis de puérilité et de lâcheté
en y repensant. Avec le recul, je me dis que j'aurais dû en
profiter. L'expérience d'un homme d'âge mûr m'aurait sans doute
beaucoup apporté à ce moment où mon mal-être culminait et où
j'étais déjà prête à quitter mon poste.
J'ai
rêvé encore avec Antoine et Stéphane. Tous les deux même modèle : celui qui fait monter le mercure. A fleur de peau, Antoine et
Stéphane me laissaient toute chose, comme sur un nuage, dès qu'ils
approchaient de moi à moins de trente centimètres. Dès qu'ils
franchissaient ce périmètre de sécurité affective, mes sens
s'aiguisaient et mon corps se réchauffait furieusement. En zoologie,
on aurait dit que je me préparais à l'acte. Je crois que si j'avais
été plus entreprenante, j'aurais eu le droit de goûter aux joies
de l'amour déchaîné et bestial avec ces deux animaux-là. Collée
contre un mur, dans toutes les positions, dans toutes les pièces, de
toutes les façons, avec renouvellement de l'abonnement automatique,
j'étais prête mentalement. Enfin presque…
C'était
pourtant simple, je n'avais personne dans ma vie, juste un ardent
désir à déterrer de son ornière…
Mon
initiation n'a en rien ressemblé à cela. Pas trop s'étendre il ne
faut… En quelques mots :
doutes, désenchantement, panne, douleurs…
C'était plus American Pie.
C'est
toute la différence entre un « il aurait pu y avoir » et
« il y a eu ». Entre la vie et le rêve.
C'est comme ça que j'ai
dû séduire Mat. Matthieu. Je me souviens du jour où j'ai débarqué
dans la boîte. Je l'ai aperçu, j'ai senti que mes sens étaient
bouleversés, on s'est présentés, et j'ai senti qu'il pourrait se
passer quelque chose. Je pense que lui aussi et ç'aurait peut-être
été simple et rapide si je n'avais pas eu à mener ce combat
constant avec moi-même. Si j'avais été quelqu'un d'autre, avec un
autre vécu, sans les casseroles accrochées à la carrosserie (il
faudra que je réfléchisse à ma persistance à me comparer à une
voiture, je suis sûre qu'un bon psy lèverait un lièvre avec ça).
Bref. Mais voilà que ces
casseroles, ce combat avec moi-même a vite eu raison de moi. J'étais trop à fleur
d'émotions, avide d'amour (charnelle), de plaire... que j'étais
sans arrêt sur le front avec ma petite chasse-peurs, manque de
confiance, repli sur moi, et à force, j'ai épuisé mon « sauveur »
qui s'est lassé de m'envoyer des signaux sans retour... Moi je me
refusais à ce qui me faisait autant de bien. Lorsque j'étais assise
à ses côtés, je rayonnais. Lorsqu'il s'approchait de moi, je
rayonnais. Je me sentais d'un coup détendue, bien dans ma peau. Mais
je ne maîtrisais pas assez cela et mon inaptitude à conserver cet
état, les peurs, et désemparée que j'étais face à ces nouveaux
états d'âme, ajouté à la peur du regard de l'autre, etc. ont fait
s'écrouler mes espoirs et la perspective d'être enfin libérée de
mes démons. Quand j'y repense, je ne donnais pas beaucoup le change
et j'attendais quoi ? Qu'il me saute dessus en me disant qu'on
était faits l'un pour l'autre ? Qu'il m'embrasse fougueusement
et m'enlève tous mes habits... ? Oui. C'est ça que
j'attendais.
Et
dire que ce n'est pas avec toi, Matthieu, que je suis sortie cette année,
non c'est avec Cali, le cuisinier. Cali-ente, cali-ente, et moi j'avais
besoin de caliente…
C'était pas de l'amour, c'était du caliente. Belle gueule de
métisse, sportif, chaud-bouillant... Il m'a prise dans ses filets.
Il est retourné en Guadeloupe, j'ai quitté la boîte. Match nul,
balle au centre.
Je
suis devenue putain, de prude à putain, sans transition. Une
explosion des sens a ravagé mon cerveau, un raz-de-marée de désir
contenu a noyé mes inhibitions.
Je
suis Casanovette, et veut posséder chaque objet de mes désirs,
qu'ils succombent, et qu'ils me comblent.
Pas
facile Casanovette avec la confiance de Cosette. La confiance pas
bien établie qui vacille, qui me fait faux bond au moment crucial.
Le moment crucial, c'est celui où tu envoies les signaux et où tu
t'apprêtes à transformer l'essai, c'est-à-dire à recevoir la
réponse à tes signaux, et à les accepter, sans repli, sans fuite
en avant, ce qu'a l'habitude de faire Cosette. Rien de plus frustrant
pour un homme que de répondre à des avances pour ensuite être
débouté.
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