Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 30 mars 2013

Chocolat

Allez mangeons du chocolat !
Et on oubliera tout c'qu'on a...
Un ptit Kinder
Rien qu'pour vous plaire,
Un peu d'Cémoi
Et me r'voilà !
Pour les pleurnichards,
Un Rocher Suchard,
Avec Jeff de Bruges,
Je vois plus qu'on m'gruge,
Si on rajoute un peu d'Nestlé,
De mes problèmes, je suis lestée
L'or brun, c'est mon dada !
Je les dévore à tour de bras,
Ces ptits lingots de cacao,
C'est moi la reine des ballots !
En ganache, ah la vache !
Ou quand se cache une pistache,
Feuillantine ou bien praline,
De ces magots je suis copine,
Une mignardise tout à ma guise,
Suffit pour avoir l’œil qui frise,
Encore un peu d'place si je pousse
Pour un fondant ou bien une mousse,
Allez, mangeons du chocolat,
Peu importe qu'on prenne du poids,
En ces baluchons, moi j'y crois,
Même si mon foie ne le sait pas...


vendredi 29 mars 2013

Dans les limbes de son silence

J'ai relu les messages que nous avions échangés avant qu'il me laisse mourir dans les limbes de son silence. J'aurais pas dû. J'ai bloqué sur le passage où il me dit que je ne le laisse pas indifférent, qu'il attend d'en savoir plus sur ce désir qui m'anime... vous savez, comme un passage d'un film qu'on aime bien qu'on se repasse en boucle. J'aimais bien ce passage... Mais c'est un calvaire que je vis à présent. J'ai raté quelque chose. Je sais pas trop quoi, comment, pourquoi... Il avait ouvert la porte à mon appel et subitement il l'a refermée. C'est vrai que j'y suis allée à tâtons, un pas en avant, deux en arrière... je le reconnais. J'étais pas franchement convaincue. Mais c'était par moi et non par lui. Aurait-il mal interprété ces vacillements ? Ou bien c'est qu'il aurait réfléchi ? Le jour où il me répondait en m'offrant de lui en dire plus sur mes intentions, il était bourré et le lendemain, quand il a réalisé... Mais ce silence glacial, c'est pire que tout ! Qu'est-ce que j'aimerais qu'il m'envoie un message qui dirait par exemple : « Écoute, t'es bien sympathique, c'est gentil d'avoir usé les touches de ton clavier pour m'écrire, mais... j'en ai rien à foutre de ta gueule. » Ça aurait le mérite d'être clair, au moins. Je pourrais, après un remake des Grandes Eaux de Versailles, passer à autre chose, vraiment. Tandis que là, je bute sur du non fini, du non abouti, du rien, du vide, du « imagine c'que tu veux »... Merde ! Je deviens mal polie, je tourne en rond quand je suis seule chez moi, je me prends la tête ; je pense à lui. Je ne peux, du coup, même pas en faire un salopard. Je ne peux même pas lui en vouloir pour quelque chose qu'il aurait dit ou fait... et je continue de payer ma psy pour qu'elle m'ôte de la tête ce galimatias sentimentalo-miévreux-merdique qui s'est créé autour de ce pétard mouillé.
 
« S'te plaît, toi qui m'as laissée m'écorcher la face sur le mur de ton indifférence, dis-moi ce que j'aurais dû faire pour te séduire, pour que je meurs moins conne, débriefons ensemble le piètre résultat de mon déploiement d'énergie libidinale. Revoyons au ralenti les actions cruciales qui m'ont menée à la perte. Et apprends-moi à te séduire. Dévoile-moi les arcanes du bouleversement de ton cortex libidinal, les mécanismes de ton réchauffement organique, voire les secrets du ravissement de ton cœur, pour que je m'améliore, que j'aille plus loin que les épreuves de sélection la prochaine fois... même si avec un autre. »
 
Ça m'évitera d'aller perdre mes économies chez la psy et d'aller me fourvoyer à lui raconter mes roucoulements cahoteux ; j'vais ptet emballer la psy, manquerait plus que ça...
 
Mais merde ! Je fais n'importe quoi en ce moment. Je suis un petit tas de n'importe quoi qui se démène pour pas partir en poussières dans un coup de vent. Putain de merde.

mardi 26 mars 2013

Eh pis... paf !

Hier j'ai cru que j'allais mourir. J'étais dans mon lit, en position du fœtus, la joue collée à mon oreiller. Je ne ressentais rien, à part ce voile de tristesse qui m'enveloppait petit à petit. J'ai repensé à Matthieu, et à mes tentatives encore une fois infructueuses de l'attirer à moi. Depuis des semaines, il m'a laissé m'épuiser toute seule à lui écrire des mots qui n'auraient pas de réponse, m'invitant par là même à écrire la fin de l'histoire, pour sauver le peu de dignité qu'il me restait. J'ai fini par envoyer un message d'excuses, comme un erratum qui efface tout ce qui s'est passé, la justification d'un faux pas, d'une erreur de jeunesse, l'envie soudaine de sauver les meubles ou de sauver ce qui peut l'être encore. « Excuse-moi d'être allée un peu trop loin, j'ai compris le message de ton silence, je ne t'embête plus, il faut que je fasse un travail sur moi, bonne continuation, ne me juge pas trop, excuse-moi. » Voilà. Comme si rien ne s'était passé.
 
Mais j'ai sauvé quoi, en fait ? Et en prévision de quoi ? On sauve quelque chose lorsque l'on sent qu'il y a péril en la demeure. On sauve quelque chose quand il y a quelque chose à sauver... Et dans mon lit hier soir, j'ai cherché ce qui avait été sauvé, mais j'ai pas trouvé ; avec en plus cette impression d'être en plein cœur du péril. Ça n'aurait pas vraiment pu être pire donc.
 
Retour case départ du Monopoly sauf que je touche par les 40 000. À nouveau fantôme errant à la recherche d'une chose que je n'aurai jamais : la vie. « On vous a dit que vous n'étiez pas apte ! » me crie le caporal Vie en chef alors que j'essaie une nouvelle fois de me faire recruter. Alors j'ai à nouveau pleuré sur mon oreiller et pour tromper mon désespoir, j'ai ri en imaginant mon épitaphe : « excusez-moi d'avoir essayé de vivre », ou « n'a pas osé prendre le risque de vivre ».

dimanche 17 mars 2013

Mon passager sombre

Je suis chaque fois à la croisée de mon destin. Lorsque je suis en présence d'un homme qui me plaît, je ne sais jamais qui prendra le dessus. La fille qui se libère et se laisse aller ou bien le passager sombre, celui qui retient mes émotions et me renferme sur moi-même. J'ai vraiment l'impression d'être le jouet de cette dualité, prisonnière de cette angoisse, tributaire d'un choix qui se fait à mon insu. Qui prendra le dessus ? Ma dextérité libératrice ? Ou bien ma dextérité mortifère ?
 
Comme un équilibriste, je marche, vacillante, sur le fil de ma destinée du moment. Et souvent je tombe sans que personne ne me rattrape. J'en ai des bosses à cause de ce numéro d'équilibriste...
 
Alors à toi qui me gâches la vie, toi mon passager sombre, j'aimerais te dire : si tu veux te reposer un peu, n'hésite pas. Il est grand temps pour toi de prendre des vacances, tu bosses tellement dur toute l'année pour inhiber chacune de mes émotions et me plier à ton désir de contrôle et de sape. Je le vois bien, lorsque je réussis enfin à me détendre, à me libérer, tu brandis sous mon nez ce vieux manque de confiance et tu l'agites sadiquement jusqu'à ce que j'en sois gavée et imprégnée. Tu es fort, rusé, tenace, mais maintenant, pépère, prends des vacances, lâche-moi une bonne fois pour toutes. Prends mon côté attachant comme indemnités de licenciement, ma sagesse, ma prudence, ma sérénité de façade, tous les compliments sur ma personne qu'on me fait pour me remonter le moral et cacher la misère sous le tapis, et tire-toi ! Loin, très loin ! Laisse-moi enfin la faire cette traversée de la piste, sans tomber, que je puisse moi aussi être dans la lumière, être applaudie et respectée pour mes vraies valeurs et non pour celles que l'on me prête par défaut.

Accro

Je suis lourde avec Matthieu. J'ai tellement envie de lui que je ne sais plus comment m'y prendre. Dire cash que j'ai envie de lui me semble risqué, mais les manœuvres que j'effectue pour ne pas avoir l'air d'être en manque ne sont pas tellement moins risquées. Elles n'ont simplement aucun effet. Peut-être que je devrais lui dire que j'ai juste envie de baiser. Ils aiment pas ? Ça fait pute ? Il faut avoir l'air romantique et difficilement baisable, c'est ça ? Il faut se la jouer prude, mystérieuse, sinon, on n'a pas de valeurs ni de principes ? Sinon on passe pour une chatte en chaleur ? C'est pas saoulant, ça ? On n'a pas le droit de trouver un mec charmant et d'avoir envie de lui ? Et si c'est le cas, il faut quand même la jouer princesse ? Pffff. (j'ai trop réfléchi pour ce soir.)
 
J'aurais dû réfléchir plus. Je viens d'envoyer un message trop explicite, et de perdre ma dignité. Le message disait à peu près cela : J'ai envie de toi. À lire entre les lignes il comprendra : je suis en galère car j'ai la c... en feu. Aïe. C'est mort. En plus, c'est la Saint Patrick, ça fait celle qu'a pas d'amis... Bon. En tout cas, avec tous mes textos, il va pouvoir réécrire un sketch à la Elie Semoun... et bien rigoler avec ses potes. Non, c'était pas le but. Hum. Comment j'ai pu faire ça ? Dire qu'au début, j'avais peur de simplement lui envoyer un message pour lui demander si ça allait et là, j'en suis à écarter les cuisses par SMS. Ouah ! J'ai quand même franchi un sacré cap, non ? :-) J'ai pris de l'assurance ! C'est pas de l'assurance, c'est de la connerie ? Ah ouais. :-(
 
Mais c'est pénible, il me répond même plus. Et pourtant, moi j'le veux mon gros râteau qui fait mal. Il va me le dire que je le fais chier, qu'il faut que je m'achète un vibro, que je lui sors par les trous d'nez, que sais-je ? Parce que moi, tant que j'aurais pas pris ma claque, je continuerai à m'accrocher, j'me connais. Chuis accro... Et un accro, c'est pas l'indifférence qui le fait décrocher.
 
Je sais. Je débloque.
 
Si j'avais plus de pitié et de compassion pour moi, je me tournerais vers moi, je me prendrais par les épaules et je me dirais : « Mais pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ? T'es pas un peu maso ? »
 
Si... :-(
 
Mais je tourne en rond, comme un lion en cage ; une chatte ? Eh oh, ça va ! N'en rajoutez pas, la coupe est pleine...

dimanche 10 mars 2013

Calvaire chez l'notaire

Il m'a été donné d'assister à la vente d'un bien immobilier. Je dois le dire, c'est chiant au possible ! Je pensais que nous allions nous asseoir cinq minutes, signer le contrat de vente et repartir ! Non ! The show must go on ! Un notaire, c'est souvent un avocat frustré et donc certainement un être privé de ses rêves de grandes plaidoiries captivantes qui suscitent l'admiration de tous… Eh bien qu'à cela ne tienne, la logorrhée verbale à assoupir un hyperactif, vous l'aurez ! Moi aussi petit notaire, je le veux mon moment de gloire et de reconnaissance, où l'attention de chacun est fixée sur moi. Je veux le tenir ce crachoir tant mérité par mes longues années d'études. Je veux me sentir grand et majestueux au milieu de vous, les pleutres, qui ne piperez mot devant ce que je vous servirai en récital.
 
Ils doivent vraiment se faire super chier pour sembler tout frais et tout pimpants à l'idée de nous lire les trente pages du contrat de vente. À moins que ce ne soit leur façon à eux de nous crier leur désespoir, qu'on se rende enfin compte du calvaire qu'ils vivent au beau milieu de leurs articles, de leurs alinéas et autres décrets d'application.
 
Bien installés que nous étions, nous allions donc tous ensemble, dans la gaieté et le bonheur, lire les trente pages du contrat de vente. J'ai cru que c'était une blague moi au départ, mais non ! La dame exercée à cette discipline des jeux notariaux, lunettes au poing, prit les feuillets, tourna la première page avec la lenteur d'un crabe ébouillanté et commença sa lecture sur son ton didactique. Moi j'étais pas préparée à cette lecture impromptue, j'avais même pas acheté de billet, et j'étais pas passée aux toilettes avant, j'avais de plus une matinée bien remplie en activités derrière moi : j'ai donc pressenti le calvaire qui m'attendait.
 
La dame était sûrement allée aux mêmes cours de catéchisme que moi parce qu'elle lisait très lentement ses psaumes et ses évangiles notariaux et pourtant il n'y avait pas de mamies-sonotones au premier rang. Chacun s'enferma alors dans son effort d'attention, celui que tu fais pour paraître concerné alors que t'en as strictement rien à foutre et que ta seule hâte est que ça se termine. Mon voisin de gauche a fait tomber son verre d'eau lorsque nous sommes arrivés au chapitre du contrat de fourniture des fluides, entretien, maintenance et exploitation. J'ai cru qu'il voulait participer. Mais non, c'était même pas fait exprès. Celui de droite a demandé une aspirine. Sans rapport avec la lecture. Il avait mal au crâne. Normal. Si on n'avait pas été aussi scrupuleux et bien élevés, on aurait aussi interrompu la lecture pour demander une aspirine. Il y avait une femme sous curatelle, partie prenante de la transaction, qui égayait chacun des paragraphes par ses commentaires sans aucun rapport. C'est peut-être ce que j'ai préféré. Au milieu de l'« État descriptif de division et règlement de copropriété », on a eu droit à l'apologie du feu Stéphane Hessel, dont nous apprîmes qu'il avait le même âge que sa encore bien vivante mère ; au « désistement de privilèges et action résolutoire », ce fut le rayon lingerie des galeries marchandes qui eut ses faveurs ; pendant les « dispositions relatives à la préemption », son frère était frappé de radinerie parce qu'il n'avait pas déboursé un centime pour son anniversaire ; et pendant le « diagnostic technique », le coiffeur du boulevard Aristide Briand fut rhabillé pour l'été.
 
C'était elle, le clou du spectacle qui vola la vedette au notaire, en nous offrant, en plus, un final grandiose qui paracheva magistralement son œuvre : au notaire qui la reprenait alors qu'elle pestait sous cape sur ce trop-plein de paperasses qu'on lui demandait maintenant de parapher deci-delà sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi, elle lança un joli : « Oui, c'est bon. » L'air de dire, te casse pas, tout ce que tu diras ne me convaincra pas. Et à elle seule, elle avait tout résumé.
 
Deux heures qu'elle a duré la ptite histoire… Le pire c'est qu'on connaissait déjà la fin. Pas même un chouilla de suspens pour pimenter la chose. Diable ! On aura au moins compris une chose, c'est pourquoi les cabinets des notaires sont surchargés.

lundi 4 mars 2013

Salons du livre

Mes deux premiers salons du livre, car oui, j'ai écrit un livre, eurent lieu ce mois-ci et je peux le dire officiellement, la description de l'événement est dans l'énoncé. J'y reviendrai. Le second, j'arrivais, impatiente et fière, avec mon carton de livres, mes plaquettes à distribuer, mon petit chevalet fait maison pour entreposer mon livre, ma petite nappe, mes bonbons, organisée quoi… Mais surtout aguerrie par un premier salon raté, par manque d'expérience. J'étais arrivée juste avec mes bouquins, les tables étaient des vieilles tables de collège gris-blanc ; une fois posés mes livres blancs sur la table blanche, j'me serais cachée sous la table qu'on aurait dit que ce stand était inoccupé. Et en face de moi, il y avait tous ces stands chiadés jusqu'à la perfection qui me narguaient : la petite nappe à la tonalité parfaitement étudiée pour mettre en valeur l'ouvrage ; les chevalets en bois verni à la taille du livre ; les articles de presse, les plaquettes promotionnelles, les marque-pages offerts et, le summum du crevard qui prend de vitesse tous les autres : les friandises ! Autant dire qu'avec mon ptit stand pourri ton sur ton, je n'avais aucune chance. Du coup la semaine suivante, je sortais l'artillerie lourde : les marque-pages, ; la plaquette promotionnelle faite maison avec une simili-critique presse totalement improvisée, mais sans tricher car je n'ai pas poussé jusqu'à mettre une fausse référence ; le chevalet, fait avec les moyens du bord certes : baguettes de reliure, élastiques et bout de bois mal scié fixé par du ruban adhésif (fallait pas trop le brusquer mon chevalet quoi) et l'arme la plus persuasive : les friandises ! J'étais parée.

C'était sans compter le vide interstellaire qui nous a servi d'étalon pour jauger de la fréquentation de l'événement. Le jour de la fête des grands-mères et des départs en vacances, on aurait dû voir venir le truc… Ce sont les organisateurs qui s'en sont mis plein les poches avec les 20 € de frais d'inscription. Ils ont eu beau nous persuader qu'ils avaient fait de la pub et que le parcours jusqu'au salon était fléché, nous restâmes sceptiques, d'abord à cause de l'outil de diffusion, Facebook, ensuite à cause des affichettes (en tout cas « de l' ») en fonte 14 avec une flèche noire patte de mouche accrochée sur le dernier feu avant l'arrivée au gymnase. Bref. Du coup, les quatre charmants hôtes et hôtesses sûrement payés avec nos 20 € avaient un air de fac-similés dans ce gymnase désert. Mon collègue de table, un vieux briscard rompu à l'écumage des salons littéraires a même logiquement fini par s'impatienter et, au malheureux hôte qui venait lui demander si ça se passait bien, s'il voulait un café, une bière, que sais-je ? avec un air un peu naïf et totalement en dehors du drame littéraire que celui-ci était en train de vivre, lui asséna, comme une claque, un : « Non, ça se passe pas bien, ça se passe mal, très mal ! » que le jeune homme tenta alors maladroitement d'endiguer en relativisant sa vision des choses, avant de se rendre compte que cela ne faisait qu'attiser la flamme revendicative de celui-ci qui lui offrit alors une leçon de morale sur l'importance de ne pas vouloir sans arrêt cacher la misère sous le tapis.

Mais le pire et le plus drôle étaient à venir. Pour ne pas se laisser abattre, les organisateurs proposèrent quand même les nombreuses animations alléchantes du programme et autant vous le dire, la lecture de textes devant un parterre vide de spectateurs ou d'auteurs non concernés venus uniquement pour vendre leur livre et de surcroît légèrement aigris par la désertification du lieu, a du rocambolesque. De bonne volonté, je me levai pour me rapprocher de la petite estrade, me disant que ça inciterait les autres à quitter leurs stands pour se rapprocher aussi, permettant à l'intéressé de se sentir un peu écouté quand même… Une ou deux personnes me rejoignirent, sans plus. Mais lorsque M. Bidule monopolisa le micro pendant trois plombes pour nous lire « l’ex-ergue » (monsieur peut pas se contenter de dire « le début » comme les autres) et les deux premiers chapitres de son livre de Fantasy-fiction-truc pour ados boutonneux où tu comprends rien à rien, j'ai flairé le traquenard. Il n'en finissait plus de nous raconter son truc complètement barré de vieil ado qu'a pas bien mûri ; et puis, lorsque M. Bidule se décida enfin à faire tourner le micro, c'est M. Tartempion, poète de son état, qui prit le micro pour clamer ses vers enflammés, et moi qui fus prise d'un fou rire. Heureusement, j'avais eu le temps d'aller me réinstaller à mon stand. Je pus ainsi savourer également l'intervention de mademoiselle Trucmuche, certainement future auteur à succès, qui nous parla de Minouche, son chat, auquel elle vouait un amour inconditionnel, et le niveau de crédibilité du salon franchit son point de non-retour.

Alors j'ai espéré, que l'heure d'affluence bientôt sonnât. Mais à part trois pelés et un tondu, dont l'un eut l'audace de répondre à ma collègue auteur sur ma gauche, à sa question concernant ses goûts littéraires, qu'il ne lisait pas, car il n'avait pas le temps avec son boulot (mais alors qu'est-ce qu'il faisait là ?!) et les autres passaient dans les allées comme s'ils étaient en forêt, le regard n'accrochant rien de particulier, effleurant parfois du bout des doigts les textes que j'avais mis gracieusement à leur disposition, sans jamais rien emporter, eh bien à part ceux-là, point d'affluence…

Au-secours !!! Je suis partie deux heures avant la fin. Mes jambes, mon corps et ma tête me suppliant. Du coup, oui, à mon sens, le descriptif est dans l'énoncé ; j'irais même jusqu'à parler de faute d'orthographe et que nous devrions écrire « ça-long », voire « ça-très-long du livre ».