Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 29 mars 2014

Oh my gode !

Depuis deux semaines, j'ai le spectre de la vieille tante au-dessus de la tête qui me nargue : « Ca vient, ça vient, patience !… » Elle me regarde avec un petit sourire sadique. Vous savez ? La vieille tante qui fait peur quand on est enfant. Celle qu'a un gros bouton poilu sur le menton, les joues glacées comme si elle était déjà dans le caveau, fixée à son fauteuil devant la cheminée, les jambes écartées avec vue panoramique sur l'entrejambe flasque et variqueux. Celle que les parents continuent d'aller voir par acquit de conscience avec les gamins qui traînent la patte. Celle qui ressort chaque fois sa vieille boîte à gâteaux en fer oubliée dans le fond d'un placard, avec les mêmes gâteaux qui virent aux bouts de semelles diaphanes et infects au fil des ans (le fabricant de ces gâteaux devrait être brûlé vif). Oui, celle-là ! Elle me lorgne du bout de ses binocles en culs de bouteille, je ne sais par quel miracle, debout ! Elle fait glisser sa jambe veinulée avec la grâce d'un échassier de droite à gauche, comme pour me dire, viens par là mon petit, tout doux, oui, viens rejoindre le club des vieilles tantes ménopausées avant l'âge, celles qui légueront leur appareil génital à la science faute de n'avoir beaucoup servi. « Viens… Oui, viens ! » Puis elle sort d'une de ses poches un vieux gâteau ranci attaqué par la vermine, avec deux-trois asticots en guise de garniture et de l'autre un godemichet en or qu'elle me brandit sous le nez, en soulevant ses jupons d'où pend un amas de toiles d'araignées. « Ah ! Ah ! Ah ! » qu'elle vocifère.
 
Ni une ni deux, l'idée de la contentionner bien serré me prend. Je lui mets son gode entre les gencives, j'attrappe ses bas et je lui fais remonter bien haut sur la tête comme si elle allait braquer une banque, je fais un nœud et je balance le tout aux ordures.
 
Tiens et si j'allais voir "les Gazelles" au ciné ? Des trentenaires célibataires en pleine décompensation. C'est pour moi ! Pourvu que ça finisse bien sinon, j'ai plus qu'à filer au Carrouf' m'acheter une boîte à gâteaux.

mardi 18 mars 2014

Pas méchante, mais putain qu'est-ce qu'elle est chiante

Va falloir que j'm'en fasse une amie de ma foutue dépression.
 
J'ai passé une partie de ma vie à l'installer, à la nourrir, à l'entretenir et du coup, c'est comme un locataire récalcitrant, ça part pas comme ça. Ça transige, ça réclame des aménagements, ça fait des promesses que ça tient pas. Et si on menace, ça s'énerve. Parce que ça a des droits. Depuis le temps que c'est là, ça s'est renseigné, ça s'est créé un réseau, ça a produit des racines… et ça finit par te prendre en otage !
 
Telle est ma dépression.

Alors il faut être rusée, plus rusée que sa bourrelle (oui, ça existe même s'il faut avouer que le mot est un contresens phonologique) et s'en faire une alliée…
 
Puisque la manière forte n'a rien donné (j'en ai déjà écrit des lignes sur les méthodes essayées parmi lesquelles la sexothérapie reste la plus probante), alors essayons la manière douce, dont le maître mot est : ACCEPTER.
 
« Oui, j'accepte ma dépression, bordel de trou du cul de mammouth (permettez-moi quand même d'y laisser un peu de rancune). J'accepte ma dépression et j'arrête de la provoquer par des méthodes débiles qui ne font que la renforcer plutôt que l'inverse, et je la tolère ! TOI, Dépression, tu as le droit d'être là (ah ça t'en bouches un coin, hein ?) Manifestement, je t'ai ouvert la porte, (ou bien ne l'ai-je pas bien fermée), alors tu es entrée. Je t'ai permis de t'installer, par manque de courage ou par naïveté et, bien évidemment, tu as fini par prendre tes aises. Alors soit ! Puisque c'est une erreur de ma part, reste ! C'est vrai, j'aurais dû réagir avant… sauf que si je ne l'ai pas fait, c'est ptet bien parce que j'avais besoin de toi, oui, peut-être que j'avais besoin de toi pour… exister. Alors je vais encore plus loin et je te remercie, carrément ! Oui, merci ma dépression d'avoir constitué pour moi un moyen d'exister, car, si ça se trouve, sans toi, je me serais effondrée. Alors merci. Merci, mais pas trop quand même… parce que vois-tu, ma dépression, maintenant, la donne a changé, les cartes sont redistribuées. J'ai mûri. J'ai découvert certaines choses qui m'ont libérée, je ne suis plus la jeune fille timorée, pudibonde et hypersensible que j'étais. J'ai accepté de découvrir la vie dans sa globalité et donc, j'aimerais que tu lâches un peu de lest. Mais je sais que tu ne veux pas partir et que tu recèles de moyens pour t'accrocher, aussi, je viens te dire que je ne t'en veux plus. J'accepte ta présence et je vais arrêter d'être méchante avec toi. Je vais être plus compréhensive. Seulement, faisons un deal. Si je t'accepte, en contrepartie, apprends-moi des choses sur moi et explique-moi comment t'apprivoiser. Apprends-moi, en somme, à te comprendre. Car peut-être que, te sentant enfin comprise et acceptée, tu pourras prendre ton envol et me quitter ? »
 
Ah ! Ma dépression, ma douce dépression… ma Léa* : elle est pas jolie, elle est pas moche non plus, elle est pas froide, elle est pas chaude, elle est pas à gauche, elle est pas à droite, elle est pas maladroite, elle est pas inspirée, elle est patiente, elle est passe-temps, elle est passable, elle est pas stable, elle est pas partout, elle dit qu'elle partira ou elle est même pas venue, elle est partisane, elle est pas sortable, elle est pas terroriste, elle est pas anti-terroriste, elle est pas méchante, mais putain qu'est-ce qu'elle est chiante…
 
* Léa, extraits des paroles de la chanson de Louise Attaque

samedi 15 mars 2014

Basic Instinct

Aujourd'hui je réfléchis.
 
Je vais faire du théâtre. Pour m'ouvrir un peu, apprendre à me lâcher. Ou de la sophrologie. J'ai regardé sur Internet, ça a l'air bien. Respiration, libération des tensions, ça peut pas me faire du mal… Je fais un peu de yoga au boulot, y a une collègue qui donne des cours… mais sur le carrelage froid de la salle de réunion, les conditions sont pas réunies… En fait, ça me fait absolument rien. Je suis trop gelée de l'intérieur ou quoi ? (ou peut-être c'est le carrelage ?)
 
Je surfe sur Meetic en même temps. Le cul, le cul, le cul, finalement, j'ai pas encore trouvé mieux. Que ce soit avec mon toy ou dans les bras de mecs chaleureux, c'est le pied au niveau libération des chakras. Fantasmer, ou mieux, se sentir désirée, regardée, être caressée, envoûtée, envahie, ensevelie dans le plaisir… Quoi de plus grisant et libérateur de tensions, hein ? Et si on revenait à notre instinct animal au lieu de se bourrer de sophro, relaxo, ou de toute une pharmacopée qui, peu sûre de nous soigner, nous pompe en tout cas toutes nos économies ! J'en ai marre de toutes ces techniques à la mords-moi l'noeud pour libérer quelque chose qui se libère gratuitement et avec beaucoup moins d'efforts par un ptit coup d'grisou dans la mine ! C'est pas Freud qui disait que tout vient de là ? Et on l'a pas érigé en maître à penser, le bonhomme ? Alors !
 
Un beau mec bien musclé est en train de me draguer là sur Meetic. J'y vais ? J'y vais pas ? Bien sûr que j'y vais !
 
S'il continue à me parler comme ça, je suis pas sûre de pouvoir me retenir... Il est trop craquant, super bien galbé, gaulé, monté, je trouve plus mes mots ! Je sens que je vais passer une bonne soirée. On est en train de discuter des positions qu'on préfère. Il me demande si j'ai des gros seins et si j'aime sucer (hola attends ça fait pute tout ce qu'il me demande là… et merde ! on ne vit qu'une fois), je lui demande si je pourrai lui monter dessus (j'aime bien, mais certains mecs aiment pas) .
 
On skype, ça sera plus simple... il commence à me parler de ce qu'il va me faire avec un souci du détail prometteur... mais c'est tellement approfondi que je sens que je ne vais pas supporter le choc. Je coupe court. Je sais que ça ne va pas le décourager. En effet, il continue par sms… Bon ben si je veux, je l'ai mon plan cul pour ce soir…
 
Sauf que ça devient un peu relou, il m'envoie une photo de son torse et puis me dit qu'il a envie de me caresser partout, il me demande si je mouille et si j'ai envie de le sucer… J'essaie de le ramener à un discours un peu plus sexy (avec un tout petit peu plus de retenue quoi), mais rien n'y fait, il est lancé. Et le pire, c'est que ça commence à m'exciter !
 
Je coupe mon téléphone, ça m'saoule ! Je suis pas Brigitte place Pigalle ! Un peu de douceur, de mystère, ça peut aussi servir la cause ! …
 
(Mais qu'est-ce qu'il est bien gaulé, mon salop…)

Dépression le retour

Je m'enfonce dans la dépression. Cette vie m'emmerde de plus en plus et je suis pourtant incapable de changer quelque chose. La dépression fond sur moi. Elle m'habite, m'ensorcelle, elle me possède. Elle dirige ma respiration, règle mon métabolisme. J'ai le coeur qui s'emballe à la moindre émotion, comme le petit personnage du film de Malzieu qui ne peut pas tomber amoureux ou se mettre en colère sous peine de passer les pieds devant. Je crains tout. Ou de plus en plus de choses. Et mon point faible qui est sûrement à l'origine de tout ça : mes démêlés avec ma féminité. Il n'y croit pas à la femme séduisante qui sommeille en moi mon petit corps tout conditionné, ma petite tête toute empêtrée de jugements négatifs. Alors mon coeur s'emballe, mon corps fuit les situations inconfortables où il ne sait plus trop qui il est et s'il a le droit d'être là où il est. Ca me rend tellement malheureuse de me maltraiter ainsi. Qu'est-ce qui s'est passé pour que j'ai si peu confiance en moi ? Pour que j'accède si difficilement aux émotions qui y sont liées ? Comme c'est douloureux de retenir ce qui pourrait me libérer ? Comme une forme de masochisme… Mais qu'est-ce que je dois me pardonner ? Qu'est-ce que je dois enfin accepter pour me libérer ? Qu'est-ce que je me fais payer ? La dépression est en train de m'emporter… Je n'arrive plus à réfléchir, tout devient difficile, comme si j'étais sur la sellette constamment, comme si je risquais de perdre la face à chaque instant. Tout devient un combat pour préserver le peu d'estime qu'il me reste. Je veux tellement retrouver un peu de spontanéité, d'assurance… Mais qu'est-ce que je cache, bordel, derrière ce besoin de maîtrise ? Cette incapacité à lâcher prise ? Qu'est-ce qui me fait si peur ? J'en peux plus, je suis fatiguée !!!

dimanche 9 mars 2014

Charlotte

Ah je fais trop tièp' comme disent les djeun's. Je viens de parler à Charlotte en fermant mes volets. Charlotte a fait sa toile sur les barreaux du garde-corps de ma fenêtre. Peut-être vous ai-je déjà parlé d'elle… C'est mon "pet" comme disent les anglo-saxons. Mon animal familier quoi. (sinon ça veut rien dire on est d'accord.)
 
Charlotte ne doit son seul salut qu'à mon syndrome de solitude. En des temps ordinaires et plus cléments, elle aurait sans doute connu la marque de mes savates, admettant qu'elle en eût le temps, et de Charlotte - ou de ce qui serait resté à l'état de cri hystérique avec au mieux comme sobriquet (même si beaucoup moins glamour) "Espèce de sale bête !" ou "Putain d'araignée de merde !" - et de Charlotte donc, point d'histoire commune tissée (ah ah) au fil des jours…
 
La solitude de la Working class, c'est ça : fi des cris d'hystérie et des gestes irréparables à l'encontre du monde de l'infiniment petit. Pas de place dans le budget pour toutou, son Canigou et ses vaccins, alors on parle à l'oreille du taon ; on respecte le cafard, on glorifie la mouche, car on les voit, eux, si souvent oubliés, négligés et bafoués ; dans notre monde de l'immobilisme, le mouvement d'une aile de papillon, le bourdonnement d'un coléoptère, la lente progression du lombric sur la feuille du ficus prend une dimension sacrale, comme si toutes ces petites compagnies inattendues étaient envoyées par Dieu lui-même pour briser notre solitude.
 
Oui, Charlotte a sa place dans ma famille.
 
J'aimerais partager plus de choses avec elle, mais elle a un caractère difficile qui ne s'accomode pas de trop d'originalités. Alors je la laisse tranquille. Je lui dis bonjour le matin, bonne nuit le soir et parfois je lui permets de s'abriter à l'intérieur s'il pleut trop. Je n'ai pas encore fait de rond de serviette à son nom, mais peu s'en faut.
 
Fort de ce constat, je suis sortie ce week-end et je me suis enfilée deux Casse-tête et une Despe…