« Seigneur, viens-moi en aide. »
Il y a quelqu'un, là, qui a besoin de toi. Je sais, je ne suis pas
prioritaire. Mais quand même, je voulais me signaler, au cas où…
Je dors tellement, je suis si fatiguée.
J'ai le cerveau comprimé dans ma boîte crânienne. Mes résistances
m'épuisent. Je ne m'en sors pas. J'ai pas envie de développer toute
cette symptomatologie de la peur héritée de ma mère. Aide-moi, je
t'en supplie.
J'ai peur d'être trop abîmée pour
renaître. Peur d'avoir ce mal-être à tout jamais, peur de finir
vieille fille…
Pourquoi
je me libère pas ? Pourquoi ce foutu cerveau se comprime,
m'inhibe, me fait mal ?
Alors
je drague pour me libérer un peu. Timidement, lâchement peut-être
aussi, mais je m'en sors. Je ne bois pas. Je couche. Je tente de
solliciter les endorphines. Mais il faudrait que ce moment dure à
tout jamais. Que l'autre me regarde avec les yeux du désir, les yeux
qui libèrent à tout jamais. Mais ça ne dure jamais. C'est juste
une illusion. Un faux-semblant qui fait du bien le temps d'une
soirée.
Je
drague. Je couche. Et puis plus rien. Comme une drogue qu'on
s'injecte pour avoir moins mal. Ensuite, ça ne vient jamais la
suite… Et le sexe devient une drogue qui m'éloigne de l'amour.
Je
drague, je couche, je jette. Pas de lueur dans le regard, pas de
brosse à dents dans la salle de bain, pas de prochain rendez-vous.
Car l'amour ne vient pas, l'amour n'est pas venu… Alors je passe au
suivant.
Valse
des corps qui s'embrasent, des corps qui se rassurent sans rien se
promettre.
Je
prends le minimum vital sans me soucier de l'essentiel qui, du coup,
me laisse sans ciel. Je suis embobinable, j'ai tant besoin d'y croire
que le préjudice d'être abusée ne fait pas le poids.
Je
suis jetable, comme les rasoirs Bic. Je pleure pas, pas d'histoires,
j'essaie pas de m'accrocher… Pas besoin d'ouvrir un bureau des
réclamations, je m'efface si besoin. J'ai appris ça. Ça me fait
plus mal.
Je
n'aime pas. J'aime le désir qui se dessine sur le visage de l'autre,
l'attraction de nos corps, la transformation que cet instant opère
en moi. Je n'aime pas l'autre pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il
me renvoie. Plus il a de charme et plus l'effet est puissant. L'autre
est un outil interchangeable qui répare mes blessures narcissiques.
Qu'est-ce
qui ferait que je m'attache plus à l'un qu'à l'autre ? Je ne
sais pas, mais je sais que ça ne marche jamais quand je m'attache…
Comme si je n'étais pas assez solide pour supporter le choc. Alors
je me contente du minimum vital. En espérant qu'un jour, je sois
assez solide. J'ai peur.