Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 24 août 2013

Rasoir Bic

« Seigneur, viens-moi en aide. » Il y a quelqu'un, là, qui a besoin de toi. Je sais, je ne suis pas prioritaire. Mais quand même, je voulais me signaler, au cas où…
 
Je dors tellement, je suis si fatiguée. J'ai le cerveau comprimé dans ma boîte crânienne. Mes résistances m'épuisent. Je ne m'en sors pas. J'ai pas envie de développer toute cette symptomatologie de la peur héritée de ma mère. Aide-moi, je t'en supplie.
 
J'ai peur d'être trop abîmée pour renaître. Peur d'avoir ce mal-être à tout jamais, peur de finir vieille fille…
 
Pourquoi je me libère pas ? Pourquoi ce foutu cerveau se comprime, m'inhibe, me fait mal ?
 
Alors je drague pour me libérer un peu. Timidement, lâchement peut-être aussi, mais je m'en sors. Je ne bois pas. Je couche. Je tente de solliciter les endorphines. Mais il faudrait que ce moment dure à tout jamais. Que l'autre me regarde avec les yeux du désir, les yeux qui libèrent à tout jamais. Mais ça ne dure jamais. C'est juste une illusion. Un faux-semblant qui fait du bien le temps d'une soirée.
 
Je drague. Je couche. Et puis plus rien. Comme une drogue qu'on s'injecte pour avoir moins mal. Ensuite, ça ne vient jamais la suite… Et le sexe devient une drogue qui m'éloigne de l'amour.
 
Je drague, je couche, je jette. Pas de lueur dans le regard, pas de brosse à dents dans la salle de bain, pas de prochain rendez-vous. Car l'amour ne vient pas, l'amour n'est pas venu… Alors je passe au suivant.
 
Valse des corps qui s'embrasent, des corps qui se rassurent sans rien se promettre.
 
Je prends le minimum vital sans me soucier de l'essentiel qui, du coup, me laisse sans ciel. Je suis embobinable, j'ai tant besoin d'y croire que le préjudice d'être abusée ne fait pas le poids.
 
Je suis jetable, comme les rasoirs Bic. Je pleure pas, pas d'histoires, j'essaie pas de m'accrocher… Pas besoin d'ouvrir un bureau des réclamations, je m'efface si besoin. J'ai appris ça. Ça me fait plus mal.
 
Je n'aime pas. J'aime le désir qui se dessine sur le visage de l'autre, l'attraction de nos corps, la transformation que cet instant opère en moi. Je n'aime pas l'autre pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il me renvoie. Plus il a de charme et plus l'effet est puissant. L'autre est un outil interchangeable qui répare mes blessures narcissiques.
 
Qu'est-ce qui ferait que je m'attache plus à l'un qu'à l'autre ? Je ne sais pas, mais je sais que ça ne marche jamais quand je m'attache… Comme si je n'étais pas assez solide pour supporter le choc. Alors je me contente du minimum vital. En espérant qu'un jour, je sois assez solide. J'ai peur.


dimanche 18 août 2013

Un morceau de chocolat au goût amer...

" Je peux pas, y a ma copine qui vient ce soir..."
 
J'l'avais sentie celle-là, mais pas voulu y croire... J'me disais que j'aurais jamais affaire à cette phrase. Je savais pourtant. Il me l'avait dit qu'il avait une "régulière". Il avait l'air d'avoir envie de s'en détacher, cependant.
 
" J'vais arrêter de la voir" dit-il à l'issue de notre premier ébat sous la couette.
" Et si on faisait des tests pour pouvoir baiser sans capote ? "
 
J'ai donc cru que cette copine resterait un mythe, quelque chose qu'il oublierait avec moi peut-être, sûrement !
 
On en était à l'heure des confidences et s'il avait été aussi honnête, c'est parce que je lui en avais donné l'occasion. Je lui avais avoué que j'avais récemment rompu et que je n'étais pas sûre que c'était vraiment fini... Il avait alors saisi l'occasion pour se débarrasser lui aussi de ses scrupules.
J'étais donc la première fautive suite à cet emballement des sens qui nous avait amenés rapidement au lit.
 
On avait conclu que ce serait une relation sans prise de tête, sans engagement, en profitant simplement du plaisir qu'on se donnait l'un l'autre.
 
Mais là, je viens de prendre la claque de l'implication d'une telle compromission. Tant que c'était pas dit, ça allait, même en le sachant, mais là, avec des mots, c'est plus pareil. On officialise le deal. Et lui, c'est clair, il en aura deux. Deux culs dispos pour lui tout seul ! Et peut-être plus après tout, quand on est lancé...
 
Et alors quoi ? Je dois faire quoi ? Essayer d'attraper la queue du Mickey ? C'est-à-dire essayer d'être la favorite du roi en tentant d'évincer l'autre à coups de belles chutes de reins, de positions encore plus scabreuses pour plaire à mon roi ?
 
Et encore, va-t-il choisir ? Dans l'Amour est dans le pré, oui, mais là ? Qui l'oblige ? Et pourquoi l'obliger ? N'avons-nous pas été clairs ? Lui peut-être plus que moi du coup, je me dis... 
 
Mon corps avide de sensualité m'emmène de nouveau dans une galère.
 
Me battre ? Faut-il encore avoir des raisons de se battre...
 
Accepter et faire comme lui ? Profiter et chercher d'autres partenaires de jeu ? Je ne sais plus. Ce que je sais c'est que j'ai un peu mal et que je cherche autre chose... Je vais donc dire stop, parce que j'ai encore besoin d'y croire...