La
solitude, ça tue. On se regarde, on s'examine, on se morfond à
ruminer ses problèmes, on stagne, on s'abîme. On se pose des
questions, trop de questions. On tourne en rond. Il est temps qu'on
en sorte, mais quand on en sort, on est si fragile, qu'on doit y
retourner. J'ai besoin d'aide, besoin d'être entourée, besoin de
vivre, de respirer les autres, besoin d'échange, d'impulsions. Je cherche une porte de sortie, un exit dans ce sas de décompression qui m'étouffe et pourtant me rassure à la fois. Il faut que j'en sorte ou je n'y arriverai plus, coincée pour l'éternité...
Elle
te pourrit la solitude. Elle te réconforte au début, te tend les
bras de la liberté et au bout d'un moment, tu comprends qu'elle t'a
piégée : tu es pris dans ses griffes, tu n'arrives plus à t'en
dépêtrer. Et plus tu t'enfermes avec elle, moins tu peux
t'ouvrir aux autres, plus c'est difficile.
Affronter,
le regard et le jugement des autres,
seul salut ! Affronter
les refus, les frustrations, pour vivre.
Alors
j'écris. Je tourne en rond, mais j'écris. La vie me fuit, mais
j'écris. Et j'écrirai encore et toujours et même si tout devient
noir et encore plus noir, j'écrirai. J'ai besoin de sentir ce
bouillonnement en moi, ces idées qui m'agitent et me laissent en
sursis. C'est mon dernier sas de sécurité. Ma dernière porte de
sortie. Sortir de moi cette gangrène qui gagne du terrain, qui
paralyse, qui affaiblit. Gueuler mon désespoir, mon envie de vivre
inassouvie. Ça a merdé, et alors ? Je suis toujours en vie,
merde !! Anesthésiée par mon propre cerveau, mais en vie.
Comme
le dit si bien Céline, le voyage, c'est la recherche de ce rien du
tout, de ce petit vertige pour couillons. (p.214 « Voyage au
bout de la nuit ») Mon petit vertige pour couillons à moi, en
ce moment, celui qui me sort un peu la tête de mon marasme, c'est
l'écriture. Mais mon « Voyage au bout de la nuit », lui,
il n'est pas terminé.
Dans
mon petit cocon, dans mon no man's land à moi, j'écris, pour ne pas
penser que j'aurais pu être, et que je ne suis pas, que ma vie s'est
arrêtée, sur « pause », qu'elle s'est figée de
stupéfaction en voyant qu'elle n'arrivait pas à être. J'écris, j'écris…
Que le temps passe et m'angoisse de plus en plus, qu'il faudrait
pouvoir revenir en arrière avec la compréhension qu'on a des
événements de sa vie, sans savoir si on pourrait changer les choses
et rectifier le tir. J'écris que je ne suis pas heureuse mais que je
suis libre, que je ne gagne pas de sous, et suis-je vraiment libre ?
Est-ce cela la liberté ? d'être seule dans son coin, sans
responsabilités, avec le moins possible de contraintes, mais
aussi sans champ d'action, sans action sur le monde, sans sens, sans
amis…
C'est ça la liberté ? Je ne suis pas sûre. Mais pourquoi
suis-je tellement en colère ? En colère contre moi, contre ce
qui s'est passé pour que j'en arrive là, contre les souffrances que
j'ai endurées…
Une jeunesse à souffrir dans son corps, dans son esprit. Normal que
je sois en colère. Mais je ne peux pas rester dans cette colère.
Elle m'étouffe. Je dois accepter ce qui s'est passé pour avancer,
faire table rase, tout recommencer.
J'écris que je
me sens morte à l'intérieur, que le Xanax doit apaiser un peu mon
désespoir, mais que je me sens vide, inutile, seule, fragile.
Je
vois défiler la vie, à trente-deux ans, comme si j'en avais soixante-dix. Comme si on
m'avait volé ma vie et que j'étais déjà à la dernière étape,
sans avoir pris les années de vieillesse. Je suis triste. Je n'ai
plus d'émotions. Mes seules émotions, c'est une soirée devant un
bon film et un bon repas, avec du vin, si possible. J'ai peur. J'ai
peur d'être morte et pourtant encore en vie, d'être morte-vivante,
alors j'écris. C'est ce qui me reste d'évasion, c'est ma seule
ressource vers l'authenticité qui est encore en moi, tapie, au fond
de ce corps mort et meurtri. C'est ce qui me relie encore à mon âme
d'enfant, au souvenir de celle que j'ai été, quand je vivais, même
si en sursis. Car je m'avançais déjà vers cette destinée étrange,
de non-vie.
Je
suis bloquée, j'arrive plus à avancer. Je suis chez moi, au fond de
mon lit et je sens que je pourrais y passer toute la journée…
Je suis allée courir cet après-midi, et puis j'y retourne, dans mon
lit, sous ma couverture… Je n'arrive plus à me projeter, ni dans
ma vie sentimentale, ni dans ma vie professionnelle. Je regarde la
télé, je dors, je réfléchis, je lis, je tourne en rond, je fais
du ménage pour avoir l'impression de servir à quelque chose, de
faire quelque chose d'utile…
J'ai
pourtant envie de vivre, je n'ai que trente-deux ans, et je suis déjà à
bout. Ah si je pouvais reprogrammer mes circuits mentaux, formater,
libérer de l'espace disque et réécrire un nouveau programme.
J'enlèverais les bugs, je mettrais un bon firewall et je rajouterai
des barrettes de mémoire vive pour que le programme tourne à vive
allure !
Le
firewall, important pour ne pas se faire bouffer par les autres, par
les pensées négatives et les attaques émotionnelles, véritables
virus informatiques.
Ma
plus grande peur, c'est celle de ne jamais plus sortir de cet
immobilisme, dans cet état stagnant dans lequel je me suis fourrée.
Je me suis perdue, je ne sais plus dans quelle direction avancer.
Plus rien ne me motive, plus rien n'a vraiment de sens à mes yeux.
L'impression que tout est joué, que je suis tombée trop bas pour
remonter. Plus rien ne m'intéresse vraiment. Et je n'ai plus envie
de souffrir, pas envie de devoir faire mes preuves, de me battre. J'ai plus la force de reprendre des études, j'ai plus la force de m'inventer un talent quelconque, plus la force d'essayer à nouveau… et j'ai peur. Je veux pas finir vieille fille enfermée chez elle par peur des autres (avec un chat pour le cliché). Pourtant, c'est ce qui me pend au nez si je ne fais rien. Au secours ! J'étais pas comme ça au fond de moi, je suis pleine de vie, d'humour, j'ai besoin des autres, de partage, d'émotions ! Revenez à moi les émotions, la vie, la confiance ! Vous êtes sûrement toujours là, en moi, tapis dans l'obscurité et les méandres de mon cerveau ! Prenez le dessus ! Partez au combat ! Je vous l'ordonne… enfin je vous en supplie…
Des
fois, je me dis que j'aurais jamais assez de forces pour remonter la
pente, j'arrive au bout de mes capacités de résistance, je tiens
plus le coup, je vais basculer dans la drogue, l'alcool…
J'ai
peur de devenir alcoolique. Je la vois la bouteille qui m'appelle,
qui me tend son goulot, qui fait briller ses formes lascives. Je la
sens qui m'appelle : « Je suis la solution ! Je suis
la solution ! Depuis la création du vin, l'homme n'a jamais
trouvé de meilleure solution pour panser ses plaies. » Les
palabres et discussions à bâtons rompus sur le divan du psy ne font
que reculer le saut du bouchon ! Chimiquement la meilleure
solution pour faire taire les ruminations, les désespoirs. C'est
dingue. Prix cassés sur le vin, Foire aux vins ! Tout incite.
Et c'est pas 50 euros la bouteille, pour un soulagement de bien plus
d'une heure ! Meilleur rapport qualité-prix ! C'est vers
trente ans qu'on y pense. Quand on a raté sa vie, qu'on voit les
autres récolter le fruit de leur dures années de labeur :
fric-enfants-maison. Alors on se sent en besoin. Avant, on tente tout
sans toucher aux substances chimiques, dès trente ans, on s'en fout.
On a tout essayé, sans résultat. Est-ce un hasard si je me suis
installée en face d'un toxico, charmant évidemment pour me laisser
attirer dans ses filets (c'est moi qui ai fait le premier pas). Je ne
le savais pas, mais j'avais alors tout loisir de me mettre à fumer
avec lui. J'ai pas fait. Maintenant c'est Xanax qui s'occupe de moi.
C'est pas mieux, mais c'est garanti cent pour cent bonne conscience,
puisque sous avis médical.
Bonjour,
RépondreSupprimerNon l'alcool n'est pas la solution. Pour avoir connu les abîmes de la souffrance psychique, je peux vous assurer que cela ne vous mènera pas loin. Vous êtes en détresse psychologique et vous avez besoin d'aide. Ne restez plus dans cette situation : faites-vous aider par un bon psy. Le premier pas coûte. Mais après vous ferez votre chemin. Je vous envoie du courage. Nathalie
Merci Nathalie pour ce soutien. J'ai de l'aide comme vous dites, j'en parle d'ailleurs régulièrement sur ce blog. Peut-être ne suis-je pas tendre avec le corps psy... La bouteille est illusoire évidemment, merci et bises !
Supprimer