Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

jeudi 19 mars 2015

Ma Twingo et moi

On a un problème, nous les femmes, avec les voitures. Et maintenant, j'en suis convaincue.
 
Je sors de chez Roady, le garagiste.
Il m'a changé les deux pneus avant.
J'ai crevé.
En allant au travail, sur une route de campagne où les gens filent à toute allure vers leur destinée laborieuse de la journée. Autant dire : j'ai crevé, seule au milieu des autres.
 
Alors j'ai rassemblé tout mon courage et ma mémoire vive pour rechercher dans mes souvenirs comment faisait papa.
Je me suis dirigée vers le coffre de tous les espoirs, j'ai soulevé ce maudit faux plancher et j'ai abordé ma roue de secours :
 
– Alors, toi t'es là ! Et ton copain le cric, il est où, lui ? Ah, oui, dessous…
 
Je soulevai donc ma roue de secours et empoignai le « copain » cric en l’auscultant comme l'Homme de Néandertal découvrant le silex. Je le tournai, le retournai, actionnai la manivelle dans le vide en regardant béatement l'écartement des deux bras de levier augmenter, jusqu'à ce que la révélation se produisît, c'est-à-dire que mon expérimentation tâtonnante entrât en résonance avec les bribes de souvenirs de mon père qui bricolait.
 
Je me dirigeai alors, pleine de conviction, vers le lieu du méfait et soumis mes supputations à l'épreuve du réel. Sans hésitation, j'emmanchai l'engin au châssis, et, d'un claquement de doigt, je me mis à soulever ma demi-tonne de Twingo – qui, vu l'âge, avait dû prendre du poids, ah non c'est vrai, elles, elles ont plutôt tendance à laisser des pièces sur le bord de la route… – pas peu fière.
 
J'aurais bien voulu que papa soit là pour admirer ma dextérité, ou au moins un spectateur, mais que dalle. En cette heure de la journée, les âmes serviles et routinières fuyaient toutes, sur la même rengaine d'indifférence, vers leur but précis et contraint. Et si, du coup, personne de disponible pour m'admirer, encore moins pour m'aider. Car, aussi fière de moi que je fusse, (qui pensais avoir fait les trois quarts du boulot), il fallut bien tout de même que je consente à admettre que l'enjeu ne consistait pas uniquement à soulever la voiture, mais surtout à retirer le pneu crevé pour y substituer la roue de secours.
 
Et là, l'ingéniosité du cric ou de toute autre machine conçue pour rendre la vie des femmes plus facile n'aurait servi à rien vu que les quatre écrous servant à fixer la roue au moyeu étaient aussi serrés qu'un pot à cornichons refermé par Hulk et que, dans ce cas, même l'outil inventé spécialement pour l'ouvrir (appelé clé à pipe dans le cas présent) ne sert plus à rien. Plus question de prouesses techniques donc, mais d'une démonstration de sirtaki un peu enragé avec coups de talons à en faire péter les ceusses sur l'écrou. Et, pour m'accompagner dans cette décrépitude, non, pas Zorba le Grec descendu de son beau nuage, ou alors que le nuage, car il se mit à pleuvoir.
Mais, au bout d'une bonne demi-heure de sirtaki, Veni Vidi Vici !! ma roue de secours était en place ! Et une foule en liesse venue du même nuage que Zorba faisait une ola en mon honneur.
 
Trempée, les talons niqués et les cuisses crampées, je m'engouffrai dans ma Twingo, un peu saoulée tout de même, mais lorsque j'arrivai au boulot, en retard et les mains noires de graisse, je pus savourer les bienfaits de ma mésaventure en me la racontant comme d'un exploit, avec fausse modestie, suscitant l'admiration des collègues (féminines uniquement bien sûr) « Mais tu as su changer ta roue toute seule ? – Oh, tu sais, on s'en fait tout une histoire, mais en fait, c'est assez simple… ». Et qu'il ne s'agît que d'une roue changée ne changea rien à l'affaire, puisque de réconfort j'avais trop besoin.
 
Lorsque trois jours plus tard j'allai faire remettre des pneus neufs – parce qu'évidemment la loi veut que l'usure et la marque de deux pneus postés sur la même ligne soient les mêmes – malgré mon exploit mécanique, je ne dérogeai cependant pas à la règle qui veut qu'une femme dans un garage se sente comme une tranche de jambon dans un plat végétarien, c'est-à-dire, pas à sa place.
 
Le mécanicien en charge de ma voiture semblait, en plus, vouloir remodeler l'intérieur du coffre de ma voiture à coups de maillet alors qu'il était simplement censé changer les deux pneus avant, alors je m'avance (j'avais su changer une roue, c'était pas à moi qu'on allait raconter que pour changer les pneus avant il fallait passer par le coffre) :
 
– Hum… Vous faites quoi, là ?
 
Le gars se retourne, surpris, presque gêné, et m'explique que la roue de secours ne rentrait plus dans le coffre, à cause d'une déformation de la carrosserie et qu'il venait donc de débosseler l'endroit en question pour qu'elle puisse y loger convenablement.
 
– Vous vous êtes fait rentrer dedans par derrière, non ?
 
Mince, je venais de jouer à l'inspecteur des travaux finis alors même qu'il faisait du zèle sans contrepartie. Je me composai donc vite un sourire qui balaya mon air soupçonneux des minutes passées.
 
– Ah ? Euh… Oh là là, oui, si vous saviez, je me suis fait rentrer dedans de tous les côtés.
 
Je ne sais pas si c'est la mini-jupe ou mon air nounouille ou les deux qui m'inspirèrent cette réponse, mais je m'en voulus aussitôt.
 
Son collègue, affairé sur la Volkswagen juste à côté, gloussa.
 
« Vite que j'me casse de là ! » me cria mon subconscient.
 
Je souris, sans savoir s'il fallait, serrai les cuisses instinctivement, et quittai l'atelier.
 
Malheureusement, aux caisses, – et là plus l'ombre d'un doute, j'étais victime d'un sabotage, en tout cas, ça n'aurait pas été pire d'avoir un panneau sur la tête écrit : « Je suis une femme, être fragile dénué de tout bon sens en matière de mécanique ou des choses trop compliquées, mon portefeuille vous tend les bras ! » – on me tendit la facture (salée voire épicée) mais aussi ! une estimation de toutes les réparations à prévoir pour la modique somme de grosso-merdo mille euros, mais c'est pour vot' bien m'dame ! Sinon, vous passerez jamais le contrôle technique
 
Mais bien sûr… La prochaine fois, je viens en moustache et salopette, moi j'vous l'dis !







samedi 7 février 2015

Médi-tension

Méditation de merde qui rime à rien !
 
J'étais en train de méditer quand j'entends le mec me dire : « Je ne m'accroche à rien, je lâche prise… » Putain, mais c'est ce que je fais depuis toujours, ça. Je ne m'accroche jamais à rien et je lâche prise, mais quelles prises ? Bordel de merde ! Y m'a énervée, le mec. Avec sa voix de moine neurasthénique. J'ai sauté sur le bouton stop en l'invectivant de noms tous aussi pieux les uns que les autres.
 
Excusez-moi. Mais depuis quelque temps, je travaille sur moi. Trop peut-être, du coup. Je ne sais plus. De toute façon, j'ai pas le choix, vu ma vie de merde.
 
Alors, dès qu'une proposition de mieux-être se profile, sous quelque forme que ce soit, je saute dessus.
 
Un régime alimentaire, une méthode de relaxation, un livre de développement personnel, une tisane miracle et autres remèdes de grand-mère, je prends tout !!!
 
Je suis prête à suivre n'importe quel gourou venu, trompe-couillons ou prêcheur de bonne parole, tellement j'en veux du mieux-être. Si seulement on achetait ça en paquet de dix au supermarché, j'aurais déjà mis une OPA dessus !
 
D'habitude, je prends sur moi, car je sais que je me fais abuser par mes mauvaises habitudes de pensée, mes conditionnements névrotiques et autres billevesées venues de l'enfance, mais là, non ! C'est trop, c'est la goutte d'eau, il me nargue ou quoi ?
 
Je ne m'accroche à rien, qu'y dit… Mais Francis (ou Gérard ou Daniel ou Jean-René, je m'en fous), c'est ça, mon problème, justement !! Tu peux pas utiliser cette phrase pour essayer de me tirer de là, c'est pas possible, trouve autre chose !! 
 
Qui y croit de toute façon à « Tout passe sur moi comme la bise sur la plaine… Le roseau fléchit, mais il ne rompt point… Je ne m'accroche à rien, je lâche prise… » En général, quand t'as besoin d'entendre ça, c'est que tout passe sur toi comme des braises sur une plaie, que le roseau est cassé et que t'as les doigts dans la prise !!!
 
Je suis en panique, maintenant, t'es content ? Énervée comme une grenouille sur la paillasse du scientifique. Grâce à tes conseils de moine bouddhiste, c'est moi qui suis en bout de piste !
 
Et puis j'en ai marre de suivre tous ces cours débiles avec musique à enterrer les vivants, où on te fait croire qu'à force de persévérance et de pratique tu atteindras enfin le bonheur (en tout cas, beaucoup moins riche qu'avant).
 
La méditation du Lac… J't'en foutrais, moi, de méditation du Lac ! Je te la fais pour moins de vingt euros la séance moi, ta méditation du Lac et tiens ! sur Magic System, ça sera un peu moins emmerdant.
 
Tu ferais mieux de passer ton bac, tiens, si tu veux que la dép' rime, parce que je suis sûre que t'as choisi le filon pour pas trop te casser le front (à défaut d'une meilleure rime mais plus vulgaire). C'est facile de faire croire à des miséreux que le bonheur est à portée, quand tu penses à tous les œufs que cela va t'apporter.
 
Premier cycle de formation offert, vous faites une économie de 1300 € ! Ça, ça laisse méditer, par contre…
 
Le bonheur s'achète… Et moi, tout ça m'achève…
 
Mauvaise passe, sûrement, dégoût de tout… ce qui n'avait déjà pas beaucoup de saveur…
 
Et le plus drôle dans tout ça (ou pas), c'est que quand j'étais petite, ma maman m'avait acheté une peluche, un éléphant, et elle m'avait dit de l'appeler « Bonheur ». C'était ma peluche préférée.
 
Et maintenant, il est là, mon Bonheur, à côté de moi, tout le temps, il me nargue, de ses grands yeux noirs…














samedi 24 janvier 2015

Je suis Charlie !

Non, pas de grand discours, la tristesse des événements se suffit à elle-même. Et tout a été dit. Trop même, et on ne trouve plus rien à dire. On a usé le quota de larmes et de discours bien pensants, on s'est restreints dans la décence et le politiquement correct trop longtemps, (la bonté et la douceur de l'âme humaine a ses limites qu'on ne sait maintenir trop longtemps tellement pourris de la moelle qu'on est (certainement un relent du péché originel)). Alors on déborde gaiement maintenant, on gratte, on fouille les immondices, les dépouilles de nos chers défunts comme des charognards pour voir si on y trouverait pas un peu de culpabilité, une petite odeur de scandale, de polémique !!! Et gentiment, comme ça, l'air de rien, on glisse jusqu'au moment délectable où on cherche des circonstances atténuantes aux coupables, révélant par là même notre potentiel de traîtrise, de sadisme, notre noirceur cachée derrière nos belles intentions de départ gravées historiquement dans ce grand rassemblement du 11 janvier. C'est qu'on en veut de l'émotion, et quand la tristesse est partie, c'est la colère qui la remplace, qu'ils nous aient quittés trop tôt, alors on se venge sur les victimes elles-mêmes et on les assassine à nouveau.
 
Mais pas vous, monsieur le pape ! Non, pas vous !
 
Si je résume votre position en quelques propos que vous avez tenus récemment, synthétiquement : « Si moi, on insultait ma mère, j'aurais envie de frapper. » «  Il faut respecter les religions. »
 
MAIS MERDE, FRANCOIS !! Qui c'est qui ne respecte pas là ?? Qui c'est celui des deux qu'a le moins respecté l'autre, là ? On zigouille dix-sept personnes dont des dessinateurs chéris de notre culture et on en est encore à se demander si on devrait pas respecter la religion ? On ose nous bassiner encore avec un foutu droit au respect de nos deux (si on en a) ? Mais qui c'est qui ne respecte rien à la base ? Qui c'est qui véhicule une religion de violence où on bafoue les droits primordiaux de l'être humain ?
 
Nos chers dessinateurs ne font que dénoncer, revendiquer un droit au respect de l'intégrité corporelle et de la sécurité de l'être humain, d'abord et avant tout, et ensuite un droit à la liberté d'expression. Ils dessinent en réaction, pour dénoncer, pour dire les choses, et non par méchanceté ou pour blesser gratuitement ! Qui de la poule ou de l’œuf ? Eh bien voilà justement ce qu'il faut comprendre. Le blasphème (si vraiment on veut appeler ça comme ça) est venu en second par rapport aux exactions hautement plus condamnables commises par les fanatiques religieux intégristes.
 
Et même le pape n'est pas capable de comprendre ça ? Il défend des comportements psychotiques où des gens cons et illettrés qui n'ont pas accès à la fonction symbolique passent à l'acte ! Ce sont des comportements psychotiques, ça, Monsieur le pape ! Et quand bien même on insulterait votre mère, M. le pape, la vôtre ou même la Sainte mère, ôtez-moi d'un doute, vous ne passerez pas à l'acte ? Alors comprenez que dire qu'il faut arrêter les caricatures par respect, c'est donner raison à tous ces psychotiques et leur permettre d'installer une religion de violence à leur guise ! Ils doivent supporter la frustration comme la plupart des êtres humains (sans parler de ceux qu'ils font souffrir depuis des lustres et à qui on ne demande pas si, par respect, on ne pourrait pas arrêter de les torturer, eux).
 
Et si Allah n'est pas d'accord, au fait ? Croyez-vous qu'il ait besoin d'être défendu par une armée de malformés du bulbe ? Par hasard, s'il est si grand (paraît-il), il ne pourrait pas se défendre tout seul, plutôt que d'avoir besoin de toute cette armée de dégénérés pour défendre des intérêts que, si ça se trouve, il ne partage même pas du tout ! Peut-être que ça le fait marrer lui, ces caricatures ? Et peut-être SURTOUT qu'il attend que ses fidèles prouvent leur foi de façon INTELLIGENTE !!!? SI CA SE TROUVE ?
 
Alors, Monsieur le pape, permettez-moi, sur ce coup-là, de blasphémer à ma guise et de rééquilibrer un peu les scores du blasphème entre les différentes religions, mais... je vous emmerde !

samedi 22 novembre 2014

Original

J'aurais aimé être quelqu'un d'original. Au lieu de ça, je suis banale. Parfois j'ai des passions subites, je me lance à fond dans un truc, la cuisine, la couture, la mosaïque, la poterie, j'achète les bouquins, le matos, je regarde les tutoriels et tout et puis, en une fraction de seconde, je me rends compte que je m'en fous, en fait. De plus en plus… Je m'en fous en fait. Alors je ne me lance plus dans rien.

Dans ma voiture, le soir, en rentrant du boulot, comme un zombie qu'a même plus le sentiment du devoir accompli, je m'imagine avec un rôle à jouer : la mère de famille, la femme d'affaires, la fille convaincue de quelque chose, quoi. Mais non, rien. Chuis pas convaincue et je ne l'ai jamais été. Vaincue, depuis toujours, mais pas con.
 
J'voudrais me lever le matin avec le déroulé de ma journée en tête et pas une tête à ajourner le moindre élan vital qui s'empare de moi. Je me lève et plus rien ne me bouscule, comme d'habitude. Je me demande pourquoi je me suis levée et si j'aurais pas mieux fait de rester couchée. Mes chaussons usés, égarés sous mon lit, ne m'attendent même plus dès le tocsin du réveil. Alors j'affronte le froid du carrelage, les yeux à peine dessillés, me demandant vers quel but me guident mes pieds niqués. Et puisqu'il faut quand même nourrir la boîte à idées, mon univers approximatif me saute aux yeux et s'abat sur moi en une pluie de reproches : les toiles d'araignée d'où pendent leurs pensionnaires qui se verraient bien tortionnaires si seulement j'étais plus petite pour me prendre à leurs filets (patience, Charlotte. Vu la vitesse à laquelle l'univers se réduit autour de moi, dans quelque temps, tu auras ma peau) ; Les particules de poussière qui voltigent sous les rais de lumière m'indiquent qu'une épaisse couche de poussière aurait besoin d'un coup de plumeau comme les brumes de mon cerveau. Je fais un travelling circulaire sur mes étagères encombrantes et encombrées de trucs inutiles, entassés au fil du temps quand l'avenir s'imaginait encore en couleurs. Du temps où les objets avaient une âme et pouvaient toujours servir. Mais quand moi-même je n'ai plus d'âme, une folle envie de tout jeter m'envahit, un autodafé de tous ces trucs auxquels je croyais, un grand bûcher des vanités, pour retrouver l'empreinte originelle, l'essentielle, la souciance après l'insouciance, pour m'alléger. J'ai une de ces envies de m'alléger. Quand je vois ces gens qui s'achètent tout ce qui passe, ça me donne la gerbe. Ils ont pensé à leurs enfants, une fois qu'ils seront eux-mêmes emballés dans leur caisson, qui vont devoir se taper le tri dans tout ça ? Et puis ça leur apporte quoi d'avoir tout ce qui passe ? Une satisfaction d'un jour ou deux, après ils sont blasés. On amasse un temps et puis on comprend que c'était une grande mascarade, un truc pour noyer le poisson, et que tout ce fatras de trucs ne t'apporte rien, au fond, que des ennuis. Des piles à changer, des fils à brancher, des places à trouver, des cartons à empiler… les fils qui s'touchent, les mouches qui défilent, c'est tout, en somme, en regardant bien.

Je ferai pas le ménage. À quoi ça sert d'enlever la poussière qui finit toujours par se redéposer. Qu'elle ensevelisse tout, la satanée poudreuse, qu'elle fasse disparaître cet univers de polypropylène, polyéthylène, polyuréthane, tous ces poly odieux qui polluent la planète et l'esprit. Glorifions la poussière vu que tout finit par elle.

Je suis allée courir. Ou mourir, je ne sais plus vu que j'ai eu l'impression de rendre mon dernier souffle après avoir rendu mes tripes. Une impulsion au moment où mon ex qui vient de se faire larguer me rappelait pour tenter le rabibochage. Fuyons ! Me crièrent mes cellules encore d'attaque, tandis que les autres commençaient à sédimenter au fond du pot (ça ne pouvait donc pas leur faire de mal). J'avais besoin d'être secouée et de gratter la pulpe qui commençait à s'accrocher.
 
J'ai couru, comme si j'étais poursuivie par le tigre de la Seine-et-Marne, avec le même essoufflement de chameau. J'ai croisé des gens à qui j'ai dit bonjour (enfin "bonj OUH…" la deuxième syllabe étant avalée par l'essoufflement) avant de m'apercevoir qu'ils avaient des écouteurs à la place des oreilles. L'effet décolle-pulpe de la suroxygénation a créé un tourbillon d'idées décousues, je dépassais des gens sans visage, à qui je disais "Bonj OUH" mais du coup, qui ne pouvaient pas me répondre. Arrivée dans le bois, j'ai vraiment eu peur de croiser le tigre de Tarascon ou plutôt le chat qui se prenait pour un tigre. Et s'ils s'étaient trompés, que c'était bien un tigre et qu'il avait franchi la frontière de la Seine-et-Marne depuis ? Je sortis assez rapidement du bois, je passai devant les jeux pour enfants déserteurs (comme d'hab' ça préfère entretenir sa future tendinite du pouce) et je rentrai chez moi me recoucher, non sans avoir fait ma prière du soir.
 
 

mardi 14 octobre 2014

Badge-me if you can !

L'homme court-il à sa perte ? J'ai la réponse : OUI. Je viens de regarder une petite chronique de Télématin sur la brillante idée de je-ne-sais-plus-quel-autiste-refoulé d'avoir inventé un badge à mettre dans les transports en commun sur ton manteau pour signifier que tu acceptes de converser avec qui veut.
 
Et la semaine dernière, on nous montrait une autre brillante idée de je-ne-sais-plus-quel-déficient-du-lien-social qui avait foutu une lumière sur un parapluie pour indiquer que, s'il pleut, tu acceptes de prendre quelqu'un sous ton parapluie.
 
Eh oh les gars ! Y a plus la lumière à tous les étages ou quoi ? On va aller jusqu'où dans la connerie ?
 
Quel est, je vous le demande, le crétin qui osera mettre ce genre de signal lumineux montrant ouvertement qu'il est un handicapé de la relation humaine ? Parce que, mettre un badge pour indiquer que tu veux bien faire la conversation revient indirectement à désirer ardemment la faire, cette conversation. Du coup, si tu mets ça le matin, à l'heure de pointe, alors que tout le monde a la tête dans le cul, c'est sûr que tu risques d'avoir de la place autour de toi ! Mais si c'est pour ça, c'est un peu mesquin…
 
Et si gros Jacky bien torché entre dans le wagon ? Tu fais quoi ? Tu l'enlèves ? Beau geste de tolérance et d'ouverture, en massacrant encore plus tes belles idées de départ.
 
Non, si on veut pousser le bouchon à faire un truc du genre vraiment utile, alors faisons carrément un badge qui dit que tu veux bien baiser, par exemple, ça, ça sera utile et pourra éviter beaucoup de malentendus. La petite Mélodie qui rentre de son baby-sitting à une heure du mat', elle sera contente de pouvoir indiquer au petit monsieur qui la menace avec un couteau que, un peu plus loin, Josiane, elle, elle est partante.
 
Allons ! La connerie humaine serait remplaçable par un badge ? Ça se saurait ! Mais un peu comme le détenu qui a étouffé son compagnon de cellule parce qu'il ronflait et qui a pris 10 ans de plus, on est sans cesse en train de scier la branche sur laquelle on est assis. On invente des solutions à des problèmes qui n'existaient pas avant d'avoir inventé la solution.
 
Mais si ! Vous voyez pas ce travail de sape qui se dissémine un peu partout ? Tiens, à commencer par les supermarchés : ces écrans qui fleurissent au-dessus des caisses… Là aussi on devra porter le badge « Je ne regarde pas l'écran, vous pouvez me parler si besoin » ? Mais alors pourquoi on met l'écran ? C'est si terrible que ça de s'ennuyer un peu dans une file d'attente ? Et justement, ne serait-ce pas l'occasion d'engager la conversation avec les gens qui nous entourent ? Ou bien sommes-nous tous devenus autistes qu'il faille absolument mettre un écran de télé au-dessus de nos têtes pour éviter de croiser le regard de l'autre et qu'on regarde tous dans la même direction comme des décérébrés ?
 
Un autre exemple, les voitures. Maintenant, les vitres sont de plus en plus teintées, on a la clim' (bel effort pour la planète au passage !), et donc, on circule dans nos petites forteresses roulantes, quasiment sans voir qu'il y a des êtres humains comme nous à l'intérieur.
 
Je ne parle même pas des téléphones portables dont l'effet repli-sur-soi n'est plus à démontrer…
 
Le but c'est quoi ? C'est de croire qu'on est tout seul au monde ? Parce que si c'est ça, alors oui, on a de sérieuses chances d'y arriver.
 
Mais permettez-moi de penser que face à cette société-fabrique d'autistes ou de bernards l’ermite pour faire plus imagé, quelques badges comme seuls remèdes, c'est un peu lège'…

mercredi 3 septembre 2014

Cirque de la misère

« L'un des plus grands spectacles de cirque… ! 1H45 de spectacle à couper le souffle ! »

En tout cas, celui de ma ptite nièce qui explosa en pleurs vu le niveau sonore de la harangue stéréophonique qui dut servir à rameuter plutôt les habitants de Pluton* que ceux du coin, moins enthousiastes, le jour où nous choisîmes d'aller au cirque, pour changer. Alors vite ! Un coup d’œil aux fresques dessinées sur les tentures du chapiteau pour recentrer son attention sur « les lions qui font peur », une imitation du rugissement (assez vraisemblable pour la faire éclater de rire) et c'était bon, enfin presque…
 
Qui aurait cru que retomberait si vite notre engouement initial ?
 
Grammaticalement, il y avait pourtant une anguille : où était le référent ? L'un des plus grands spectacles de cirque, certes, mais… rapporté à quoi ? Au monde ? Du pays ? De la région ? Du quartier ? Pourquoi avait-on subtilement mis un voile sur le référent ?
 
Eh bien tout simplement parce qu'il fallait traduire : « Bienvenus au Cirque de la misère !!! Avec ses clowns pas drôles, ses acrobates frileux et ses dresseurs d'animaux léthargiques ! »
 
Chaque numéro sembla une parodie de lui-même : les clowns ne furent pas drôles, dotés d'un manque d'expressivité et d'enthousiasme remarquable, usant de gimmicks éculés plutôt destinés à faire pleurer que rire, et complètement impassibles devant le peu de réactivité de l'assemblée ; les chevaux se cassèrent la gueule après un tour de piste et le clou du numéro consista à leur faire poser une patte sur un tabouret ; les acrobates exécutèrent des numéros de cour de récré que ma petite nièce aurait faits aussi bien (voire mieux) ; les tours de magie laissèrent perplexes non parce qu'on ne vit pas les ficelles, mais parce qu'on ne vit pas ce qu'il y avait de soi disant extraordinaire à voir. Mais le pire (et bonjour pour expliquer ça à ptit bout d'nièce)… les lions ! Ou plutôt… leur absence ! Point de lions donc, si ce n'est Roger, le vigile, déguisé en lion le temps de venir saluer, à la fin du spectacle… Roger, qui d'ordinaire fait la gueule, planté dans un coin du chapiteau, forcé en plus de porter la croix, érigé ouvertement en symptôme manifeste d'un cirque malade…
 
Le seul talent à leur reconnaître mais qui fût aussi leur drame : leur capacité à endosser plusieurs rôles, puisque le maître de cérémonie était aussi le clown et le dresseur, et l'acrobate, la magicienne, ainsi que l'ouvreuse, la caissière et la vendeuse de barbes-à-papa à l'entracte. Avec son corollaire assez peu réjouissant d'avoir à subir une quête toutes les demi-heures : une pour le développement du cirque (à laquelle on eut du mal à souscrire du coup), une pour la stagiaire acrobate (ah bon ? Où ça ?), et une pour… la forme ? (Au passage, on comprend mieux les 1h45 de spectacle affichées…)
 
En somme, un petit microcosme d'automates, programmés à réaliser des numéros aux gestes stéréotypés exécutés dans une cadence stakhanoviste et un oubli de soi résigné, seulement capables de nous balancer en pleine gueule leur immense lassitude.
 
Alors on applaudit bien sûr, on est polis, mais c'est pour essayer de faire venir un peu de magie là où elle manque cruellement… et espérer quand même que ptit bout d'nièce, qui n'engramme pas encore bien les expériences pour comparer, y trouve quand même un peu d'émerveillement.
 
Ces spectacles-là devraient être gratuits, voire même devrait-on être payés pour y assister vu le mal que l'on s'y fait à piétiner nos doux souvenirs d'antan…
 
*je pense qu'il y en avait d'ailleurs, si l'on considère d'un autre œil le mec avec tous ses colliers lumineux qu'arrêtait pas de nous tourner autour en scrutant nos portefeuilles.




mardi 5 août 2014

Paris Plage

Cette après-midi, l'idée me prend d'aller jeter un oeil à cette fameuse plage aménagée pour l'été dans mon bled de banlieue. Vous savez, les grandes affiches avec du soleil, la pelle et le seau, sur fond bleu méditerranéen. "Ouverture exceptionnelle de la plage à Trouduc-le-Gland* !!! "

Donc, je me pointe au lieudit, le parc communal, mais dont l'entrée, cette fois, est bardée d'une autre affiche encore plus racoleuse que celles qui parsèment le village, avec des feux d'artifices, et Trouduc-le-Gland Plage écrit en graffs colorés à la bombe de peinture par des djeun's. Ah là là, ça va être quelque chose !!!
 
Je rentre, pleine d'impatience, frétillante comme un gardon, le projet de revenir un autre jour avec mes affaires de plage en tête… Déjà à l'entrée, un grand terrain sablonneux avec un filet de beach-volley me met dans l'ambiance. Derrière, un peu plus loin, un groupe de jeunes est attablé, sous les arbres, près d'une petite guérite qui ressemble de loin à une baraque à frites, mais sans les frites (elle semble vide). Je continue donc ma route, et je passe devant les jeux pour enfants qui n'ont pas bougé de l'ordinaire et saupoudrés de quelques enfants, et je commence à trouver étrange de ne pas entendre plus d'agitation qui viendrait de cette fameuse plage. Le doute me submerge. Je continue ma route (le chemin fait une courbe, si bien que l'on ne voit rien se profiler) et me retrouve rapidement au bout du parc, prête à en sortir par l'autre côté. Et là… le "Allô quoi ?" de Nabilla, telle une lame de fond, s'abat sur le rivage de mes certitudes. Je me retourne pour voir si par hasard, j'ai raté quelque chose en passant. J'aurais été victime d'une illusion d'optique qui fait que je serais passée à côté de l'essentiel ? Je refais le chemin en sens inverse, à la recherche d'un indice, un bonnet de bain oublié, un emballage de glace Miko, un coquillage, un crustacé, une seringue (oups pardon… ça je suis sûre d'en trouver, donc c'est pas un bon indice), qui m'aurait prouvé qu'une plage aurait bien existé, à cet endroit même où je me trouve actuellement ? Je cherche partout, devant, derrière, à babord, à tribord, les pieds dans l'eau, mais d'une vieille flaque creusée par l'orage de cette nuit, en vain et avec finalement comme seule alternative celle de me ranger à la conclusion passée à postérité par le célèbre agent Mulder du FBI que "la Vérité est ailleurs"…
 
Au risque d'effleurer la susceptibilité des disciples de Lagardère, mais cette fois, si on ne peut pas aller à Palavas, Palavas ne viendra manifestement pas à nous. CQFD.