Ah
oui, les vacances aussi. Quand on est au chômage, ce mot n'existe
plus : que voudrait-il dire pour quelqu'un qui est en vacances
permanentes ? Enfin qu'on croie parce que sans sous, vacances
rime plutôt avec errance…
« tourne en rond-ance » même. Quand on a lu les cinq-six
bouquins qu'on se disait qu'on aimerait avoir le temps de lire,
regardé la dizaine de films qu'on se disait pareil, eh ben…
« Alors on danse… »
comme dit la chanson. On songe aux voyages qu'on aimerait faire, aux
activités, pareil… Et
on ronge son frein. Sauf quand on a, comme moi, un copain qui passe
toutes ses vacances en Normandie dans la location familiale, vieille
masure restaurée typique, qui sent le vieux bois et la suie. Alors,
on peut, sans trop de frais, se ressourcer à la campagne…
encore faut-il apprécier la campagne et mettre un peu de bonne
volonté dans sa gibecière. Si, comme moi, on s'est habituée à la
solitude et qu'on s'imagine ne pas être faite pour la campagne,
qu'on tente de convaincre son ami que les vaches, les prés à perte
de vue et le silence environnant et omniprésent réveillent chez
vous une certaine morosité nantie de ses idées suicidaires, alors
la partie n'est pas gagnée…
ni pour vous, ni pour votre ami qui s'évertue à rendre le séjour
agréable malgré les efforts que vous faites pour le plomber. Voilà
l'état de mes dernières vacances en Normandie. Persuadée d'avoir
besoin de vie, de mouvement, d'intempérance, d'audace, j'ai résisté
des quatre fers, j'ai même failli renier mon ami, par peur de la
Campagne, celle qui vous ramène aux dures réalités de la vie, qui
vous rappelle que de la terre tu viens, de la terre tu retourneras,
les fanfreluches et les gaudrioles passeront, mais la terre, elle,
restera. Le cœur et l'âme, le goût de l'effort, de la simplicité,
du faire avec ce qu'on a. La Campagne, quoi. Celle des routes
interminables au beau milieu des champs, où la buse aperçue, les
deux chevaux se partageant leur mille hectares de terrain, la vieille
ruine d'un feu château, représentent la seule distraction dans ce
défilement étourdissant de champs de maïs, de tournesols et de
bottes de foin… La
montagne, ça vous gagne, la campagne, ça vous…
cogne (pas mieux). Alors il faut l’apprivoiser cette campagne,
l'affronter, tordre ses principes et ses idées reçues. Mais il est
vrai que seule chaque matin, car refusant de me lever à l'aube pour
aller à la pêche avec mon ami qui adore ça, je me sens isolée,
perdue dans cette maison au milieu de la campagne. Internet ne passe
pas, le téléphone fonctionne à peine, en tout cas de mon portable,
car pour utiliser le fixe, il faut faire un numéro à quinze
chiffres pour se rallier au réseau de télécommunication local. Je
peux donc soit lire des magazines ou bien me promener dans la
campagne en essayant de ne pas me perdre et sachant que je risque de
croiser des couleuvres et autres indésirables. Je l'ai fait, j'ai
croisé : un troupeau de vaches qui s'est rué sur moi lorsque
je me suis approchée avec une poignée d'herbes ; quinze
calvaires repeints maintes et maintes fois ; quatre fermes, avec
son lot d'animaux divers et variés, mais pas âme qui vive. De
retour, j'avais le choix entre lire un magazine, faire une sieste ou
regarder la télévision. Sans véhicule ici, tu meurs. Tu regardes
les gens vivre à travers la lucarne, tu critiques, tu médis, tu
regarde l'herbe pousser, les vaches passer, en essayant de te
persuader que tu es dans le vrai, que c'est ça la vraie vie !
Les valeurs de la terre périclitent et les hommes s'enfoncent dans
le mensonge, l'égocentrisme et la vénalité. Toi tu es dans le
vrai, la nature, le bon air, les valeurs du terroir…
T'es obligé de voir le côté positif…
pour t'en sortir. Je suis « revenue de tout » me dit mon
ami. J'ai tout vu et tout fait qu'il ajoute parce que je me plains.
Non, c'est faux, j'ai rien fait, et c'est peut-être pas par la
campagne que je veux commencer. Disons que la campagne, on a le temps
d'y penser. C'est ce qui nous attend de moins pire à nos vieux
jours, plutôt que de rester dans un monde qui nous devient de plus
en plus indifférent. C'est ptet ça qui me fait peur à la
campagne : vivre déjà, à trente-deux ans, la vie que je
risque de mener à soixante-dix. Mais passons l'épisode campagnard
qui ne fut pas si douloureux que cela, en fait, voire même très
agréable, parce que peut-être bien que j'en avais besoin de me
sortir de ma boîte à
chaussures francilienne habitable, car ça, c'est un autre genre
d'angoisse.
Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout
Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.
Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.
Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.
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