Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 7 septembre 2013

Richard Branson bis

J'ai l'impression que ce boulot m'était tout spécialement destiné. Comme un clin d’œil, une dédicace. De qui ? Ben allez savoir… Ptet bien que le bureau des causes désespérées là-haut n'est pas en congé. Pour tout vous dire, malgré le paquet de culpabilités que je me traîne, malgré mes tares et mes ratages successifs dans l'ensemble des différents domaines de la vie, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose ou quelqu'un, comme une ombre, une bonne étoile ou je-ne-sais-quoi qui me surveille. J'ai perdu pas mal de gens que j'aimais, dire s'ils y ont quelque chose à voir serait hâtif, mais je ne sais pas, pourtant il y a quelque chose qui me recadre là-haut, quelque chose qui sait, qui comprend, qui agit. En tout cas, je veux le penser.
 
Savez-vous quel est mon lot quotidien, à présent ? C'est d'écouter les complaintes de gens qui ont des rêves trop grands pour eux. J'en donnais un exemple dernièrement, mais je pourrais les multiplier. Entre le surdoué fumeur de cannabis qui, sous prétexte qu'il eût jadis un poste de directeur, ne veut plus accepter aucun poste en-dessous de sa prétention et le trentenaire alcoolisé qui me déballe une vie mirifique envolée de colonel israélien au cursus flamboyant, hélas abîmée sur le faîte d'un concours de circonstances… On essaie de se redorer le blason à la va-comme-j'te-pousse, parce que la déchéance c'est inacceptable.
 
Et moi je suis miroir. Je suis pareille, sauf peut-être que j'ai encore un peu la force de m'occuper de ma paperasse et de ne pas me laisser tomber dans les paradis artificiels (et encore, semblerait qu'il y en ait un dans lequel je sois tombée, je vous laisse juge). Une bonne éducation, un milieu attentif, voilà ce qui me protège pour l'instant ? Alors je renvoie la balle avec ma petite raquette trouée, j'écoute, je comprends, je fais voir l'avenir, avec en tête la lucidité d'un « advienne que pourra… ». Je suis lucide. Est-ce juste ce qui nous sépare ? Peut-être. Alors je suis toujours de l'autre côté du filet, en miroir, et de temps en temps, je me prends un boulet de canon en pleine tête.
 
« Ouais, je vais la faire cette formation. Je veux pas rater ma vie. J'aurai bientôt trente ans et si à trente ans t'as pas de boulot et t'as pas d'enfant, t'as raté ta vie… »
 
Là je la serre fort ma raquette et dans ma tête je rassemble toutes mes forces pour faire un ace, en lui éraflant la tête au passage.
 
Mais y en a marre du syndrome de la réussite à tout prix. Qu'on lui laisse sa Rolex à l'autre Séguéla.
 
Il pourrit le crâne de milliers de personnes qui rament à contre-courant. Je suis tombé tout en bas, faut-il encore qu'on harangue mes vieux démons qui se font une joie de s'acharner sur ce qui reste de mon estime de moi ?
 
Ce que j'entends tous les jours moi, c'est : « Faites à ma place. Vous êtes là pour ça. Je suis trop fatigué. Et ne me cassez pas les oreilles à me renvoyer à ce que je suis. La seule chose que je veux bien entendre, c'est – Monsieur, j'ai vu en vous de bouleversantes qualités qui auraient dû éclater à la face du monde entier. Ne vous inquiétez pas, je vais faire de vous Richard Branson. »
 
Riche-ard Branson. Riche et entouré de belles femmes.
 
Pauvre et solitaire.
 
Je suis pas la marraine de Cendrillon.
 
Mais le pire, dans tout ça, c'est que… Moi aussi je voudrais bien être Richard Branson.

3 commentaires:

  1. J'en aurais des complexes à voir de quelle manière ce que tu écris est intelligent et tellement bien vu. Conséquence, au fil de ton bulletin, je me fais tout petit, et, lové dans une prudente modestie, je ne me vois plus que te répéter à nouveau un authentique: GÉNIAL!
    Et puis je me dis Merde, faut lui dire qu'elle n'a pas du tout raté de ce qui est essentiel, que c'est une histoire d'échelle des valeurs déformée par ces Séguéla ou ces Branson avec leurs pacotilles et leurs contes de fées à deux balles. Que même si je devais être le seul, je suis mille fois plus impressionné par la perception et l'écoute qu'elle a du rêve d'un illuminé, que par celle de ces Mickey qui passent un jean une fois dans leur vie pour venir nous présenter le nouveau téléphone qui gare sa voiture tout seul !!
    Et puis, eh, de toi à moi, si tu étais Richard Branson, ton blog ne m'intéresserait pas..!

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    1. Si j'étais Richard Branson, je n'écrirais sûrement pas ce blog, je jouerais avec mon téléphone portable qui gare ma voiture !!! :-)))
      Conte de fée à deux balles, sûrement, comme tu dis... Mais au fait ? Pourquoi garer sa voiture avec un téléphone portable ?
      Bon allez, je sors !
      Mais bises au passage ! :-)

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  2. Que veux-tu que je te dises...
    C'est un argument de pub. Va comprendre!
    Tu arrives à l'entrée du parking, tu descends de ta voiture et tu demandes à ton téléphone de s'assurer qu'elle va bien se garer toute seule.
    Authentique!
    J'ai même vu une séquence filmée qui en fait la promotion.
    Ce serait juste drôle si malheureusement ça n'empêchera pas certains parents étourdis par ce manège absurde d'oublier quand même leurs gamins dans la voiture...
    Quelle misère !

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