Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

jeudi 17 avril 2014

Blanche Neige

J'ai honte. Honte de moi. Honte de ce que je suis devenue. Je suis un bernard l'hermite. On me touche et je rentre dans ma carapace. Ou un escargot, dès qu'on lui touche les antennes, il replie tout son barda qu'il avait pourtant mis des heures à déplier et il disparaît sous sa coquille. Un gastéropode quoi. Le bilan est pas fameux, donc. Mais un gastéropode qui aurait un gros appétit sexuel. Hum. On sait bien que la vie sexuelle des gastéropodes n'est pas réputée des plus pétulantes. Ptet à cause de la coquille ? C'est pas pratique. Va faire le missionnaire avec une coquille dans l'dos ! Ben moi j'ai pas d'coquille en tout cas…
 
Alors j'ai honte. Honte de ne pas avoir de coquille et d'être comme un gastéropode. Aussi empotée, ankylosée dans la vie que si j'avais une coquille collée dans l'dos.
 
Mais j'm'aime pas beaucoup, ou à force, je m'aime trop. Je sais plus. La frontière est si mince, en fait. On finit par s'aimer un peu, à la longue, on se prend soi-même d'affection à s'traîner tous ses kilos de névroses, on apprend à vivre avec, on finit par se respecter de les supporter.
 
Mais y a un moment, faut qu'ça cesse. On ne naît pas pour vivre comme un gastéropode.
 
Métro-boulot-dodo, un ptit plan cul de temps en temps. Elle est où la mise en perspective là-dedans ma grande, qu'elle me dit ma déesse intérieure ? Comprendrons ceux qui ont réussi à lire au moins le premier tome de Fifty Shades. Je m'imagine dans la peau de l'héroïne de ces genres de nanar… la fille trop féminine et décérébrée qu'assume pas et qui tente de faire croire sans arrêt au coup de la déesse qui s'ignore. Pour moi la fille que tu as envie de gifler parce qu'elle joue sans arrêt avec tes nerfs. La fille qu'a l'impression de vivre une vie difficile avec ses galères de maquillage, de ratage de métros, de plus de yaourts dans l'fridgo, qui représentent les plus grosses embûches que porte le monde. Le prototype de la princesse, où celle qui est élevée dans du coton et qui, pourtant, est persuadée d'être autonome et rebelle et de vivre dans un monde sans pitié alors qu'elle est juste bénie des dieux et que tout lui tombe toujours tout cru dans l'bec. Bref. Moi j'ai rien de cette fille-là, alors ça me fait rire de parler de déesse intérieure. Dans la vraie vie, celle où tu te retrouves seule comme une conne dans ton trente mètres carré parisien, (sans le meilleur ami pédé et la copine, quoi) t'as intérêt à la laisser dans les cartons ta déesse intérieure et à pas la sortir trop souvent si tu veux pas passer pour une demeurée. Comment peut-on se permettre de penser comme la fille dans Fifty Shades ? "Oh mon dieu, il est si beau et quand il se mord la lèvre, j'ai tellement envie de me pendre à son cou… hi hi hi. Oh là là je ne sais pas ce que je vais mettre, mon jean slim ou bien une jupe ? Oh là là… Je me demande si mon meilleur ami n'est pas amoureux de moi… oh zut…"
 
Cette fraîcheur, cette candeur, m'exaspèrent et pourtant, j'aimerais bien un seul jour vivre cette légèreté, sans ce sac de nœuds dans la tête. Je dis pas que je veux devenir aussi conne que les héroïnes de ces romans pour ados, mais j'aimerais vivre leur ultraféminité, leur insouciance et légèreté d'esprit rien qu'un ptit peu. Me lever le matin en me disant qu'aujourd'hui va être une belle journée, en croquant une pomme, et en me posant comme seule question celle de savoir si je mets mon slim ou ma jupe ? Ce serait tellement mieux. Avec un peu d'chance, je rencontrerais rapidement quelqu'un et je croirais au coup de foudre et à toutes ces conneries sur la fidélité, qui me rendraient heureuse.
 
Mais non. Moi je suis la fille qui ratait tout, mais vraiment. Je fais pas semblant. Je me lève pas le matin sans projet spécial et comme par hasard, tellement « open » à la vie que je suis, je tombe sur le prince charmant au rayon bio du supermarché, et comme par hasard, c'est le jeune patron d'une entreprise florissante promis à un bel avenir, célibataire et qui tombe amoureux de moi sur l'instant et m'offre un emploi de rêve dans son entreprise. Non ! Moi je cours toute la journée sans aucune classe, aucun sex appeal, mes névroses plein le dos et l'impression d'être condamnée à une vie déjà tracée, ce qui fait qu'à un moment donné, je suis fatiguée, alors je fais la gueule et plus personne me calcule et je rentre chez moi morose et sans cette putain de déesse intérieure de mes deux ! Ça fait longtemps que je ne pense plus à dire bonjour aux oiseaux en ouvrant mes volets et que je ne me demande plus quel bonheur cette journée va-t-elle donc bien m'apporter. Blanche Neige, elle est loin, voire très loin. Je suis plus proche de la poudre que du conte de fée même…

1 commentaire:

  1. ... no comment !
    Si quand même... l'impression d'aujourd'hui est que tu serais tombée du train, à un moment donné !
    Je ne sais pas trop pourquoi, cette impression, d'ailleurs.
    Peut être parce ce que tu es si méritante, davantage que nous encore, mais qu'un incident t'a fait trébucher et que le train nous a mené sans se soucier de toi...
    Tu y mets du cœur et de la sincérité, dans ce billet... j'adore, encore et toujours...

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