Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 25 janvier 2014

La Belle au bois mangeant

Ça va pas. Phrase qui sonne comme le glas ; qui s'impose comme une évidence. Aujourd'hui, ça va pas. « Ladies and gentlemen, l'humeur du jour de la fille qui ratait tout, (puisque c'est à la mode) : CA VA PAS ! » ((aparté) avez-vous déjà essayé de vous plaindre par statut interposé, personne ne réagit. Pourquoi ? Peut-être parce que si tu vas vraiment pas, tu vas pas sur Facebook. C'est pas politiquement correct. Qui est pris au sérieux quand il annonce qu'il va faire une connerie sur Facebook ? À la base, internet, c'est pas sérieux. (fin de l’aparté))
 
Donc ça va pas. Mais du coup, vous ne me croyez plus. Donc ça va pas trop, quoi… Bon oui ça va pas si mal, allez… Ce qui ne va pas, c'est mon fonctionnement. Mais ce qui va, c'est que j'ai la force de faire un pas de côté pour ne pas dramatiser et essayer de soulever le capot pour examiner tout ça (je sors de la voiture ou j'écris quoi).
 
La mécanique fonctionne pourtant plutôt bien, voire trop bien, si bien même que je deviens une automate. Et c'est ça qui va pas. J'enchaîne les actions de la journée de façon machinale, mais sans être là, comme si quelqu'un d'autre avait les commandes. Je roule, je roule, je roule, mais ce n'est pas moi qui conduis. J'ai l'impression que je n'habite plus mon corps, que mon esprit, que mon âme s'est retranchée dans une aire bien cachée de mon cerveau pour dormir peinarde. La Belle au bois dormant, imperturbable, côté passager. Tout passe comme une brise légère qui ne trouble pas une mer d'huile, ou pour rester dans la métaphore, comme un vent de force trop faible pour déstabiliser le bolide, sans incidence, sans influence. Je suis si loin de mes émotions qu'il me semble que je pourrais endurer n'importe quelle nouvelle sans m'émouvoir.
 
Alors je dois trouver des choses pour tenter de m'émouvoir, et me rassurer… et la valeur sûre, c'est : la bouffe !
 
Non, pas les émissions de cuisine, ça ça ne me rassure pas, ça me fait chier. Regarder quelqu'un t'expliquer comment faire cuire un œuf ou couper un oignon me paraît une insulte à nos prétentions de spectateurs éligibles à la redevance. Non, la vraie bouffe, bouffer quoi !
 
Et hier, l'obsession du jour fut de trouver un fondant au chocolat.
 
Mon être en dormance avait scotché sur un moelleux au chocolat dépassant le seuil de mes tickets-resto à la cafet' du centre de formation où je passe la semaine, et une certaine discipline budgétaire (dont je ne suis pas peu fière) ne se résolvait pas à outrepasser mes droits en allongeant par quelques pièces sorties du porte-monnaie.
Alors ce fondant au chocolat me hanta toute l'après-midi, avec la puissance décuplée de l'interdit qui rend la chose encore plus désirée.
 
L'obsession devint si forte que je cédai à la tentation. Sitôt sortie du centre de formation, j'ai fait toutes les boulangeries de ma ville pour trouver ce fondant au chocolat (ou à peu près le même), comme si mon seul salut en dépendait. Malheureusement, je ne trouvai qu'un « délice au chocolat » qui, avec le recul, ne dût pas être aussi bon qu'aurait été le fondant de la cafet', mais bon.
 
Je le coupai en deux (pour ne pas culpabiliser de m'envoyer les 500 calories d'un coup dans les parties molles de mon anatomie) et oui ! Le temps de son incorporation, j'étais réconciliée avec la vie, délestée de mon incapacité à incarner mon être profond. Ma Belle au bois dormant (et mangeant du coup) se tenait assise, sur le bord de son lit (ou de sa voiture je ne sais plus), les yeux grand ouverts, le temps que dure ce petit moment de félicité…

1 commentaire:

  1. Tu dois vraiment être un petit bout de femme adorable, non ?

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