Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

samedi 12 janvier 2013

Dans ma boîte

J'ai finalement trouvé du boulot. J'ai été prise, en fait, suite à mon entretien d'embauche calamiteux. C'était plus calamiteux dans ma tête qu'en réalité, il faut croire, ou bien ils étaient vraiment désespérés de ne jamais trouver quelqu'un, va savoir… Bref. Tout s'est passé très vite : rencontre avec le directeur et, deux semaines plus tard, soit lundi dernier, j'y mettais les pieds dans cette boîte tant espérée. Enfin comme tout le monde, une boîte où me ranger toute la journée, avec des collègues, un bureau, un ordinateur, plein de papiers et de crayons qui marchent pas !
Un de mes cheveux a préféré se suicider le deuxième jour, étincelant de toute sa blancheur dans le miroir de la salle de bain. Je redoute le suicide collectif. Tenez bon.
 
Et en une semaine, je suis devenue « la nouvelle », qui squatte les postes des absents – disons « mobile » dans sa version édulcorée – qui pose des questions connes et fait des bourdes monumentales. Eh oui, j'ai déjà usé le toner de l'unique photocopieuse-imprimante en imprimant un dossier de trois-cents pages en voulant imprimer une seule feuille.
 
Mais le pire, c'est même pas ça. Le pire, c'est ce qu'essayait de me dire mon cheveu kamikaze, c'est ce flot des jours qui passent maintenant à une allure phénoménale et cette impression d'aller plus vite vers la mort. Et puis la sensation d'être une entité, un symbole plus qu'un être humain, dont le seul but est de gagner des sous. L'horizon se charge désormais d'une flopée de jours identiques sans grand intérêt, censés me donner l'impression d'être utile, sachant que si ce n'était pas moi, ce serait quelqu'un d'autre… donc utile, mais pas indispensable. Et puis, une utilité toute relative lorsqu'on se rend compte à quel point la moitié des choses faites ressemblent à du remplissage de temps. Il faut aimer se rendre compte à quel point les choses sont compliquées et combien de temps on passe à remplir des papiers au lieu de vivre…
 
Quant au temps libre, il se résume maintenant à parer au plus urgent ; il n'est donc plus utilisable librement.
 
Voilà. En résumé, j'ai mon gagne-pain quotidien et je suis déjà lassée. Je vais donc aider les gens à mieux vivre leur vie, et pour cela, tout naturellement et dans une logique imparable, je vais me pourrir la mienne, mais ! avec le sourire, dans la joie et la bonne humeur. Faisons quand même semblant d'être heureux !
Le premier qui dit : « c'est ça la vie ! » a perdu. Compris ?
 
Et la vie au bureau, c'est vraiment folichonnant. Par exemple, dès que j'éteins la lumière parce qu'il fait jour et que j'y vois assez, une collègue vient me la rallumer. Une fois, deux fois, passe, mais à la troisième, ce putain d'interrupteur, (non, j'ai pas dit cette putain de collègue) tu as envie de lui balancer ton pot de crayons dans les trous ! Et comme j'en ai marre d'expliquer que j'y vois assez, ben maintenant, je dis merci et je vais éteindre en espérant qu'une autre collègue ne se pointe pas pour rallumer. C'est génial, non ? C'est très corporate, ça. Moi, j'ai besoin de lumière, alors je pense que tout le monde en a besoin… Ça frôle le clonage intempestif. Et si j'ai envie de travailler dans le noir, à la bougie, même, eh ben si c'est ça que je veux, qu'on me foute la paix, merde !
Niveau boulot, j'en suis là.
 
Niveau, amours, c'est Hiroshima. Faites vos jeux, rien ne va plus.
Je délaisse mon compagnon pour tenter d’hameçonner cet autre qui m'attire. Matthieu. Envoi d'un sms de situation de crise, besoin de parler, etc. Retour positif, avec coordonnées et ouverture du dialogue par mails. Dialogue amorcé des deux côtés avec équilibre relatif, légère prépondérance de mon côté, qui s'amplifie malheureusement au point de rendre le dialogue (qui n'en est plus un du coup) carrément unilatéral, avec désertion totale de l'autre partie. Alors riposte et déballage des gros moyens : intervention en vis-à-vis, approche de la cible avec prudence qui débouche sur une entrevue de cinq minutes pour une mise au point éclair qui aurait dû se prolonger mais interrompue par un mouvement de foule qui met fin à la partie.
K.O. et énorme sentiment de frustration de mon côté. Mais si je me souviens bien, je me suis fait bouler. J'aime pas le rôle de celle qui se fait bouler mais là, je crois bien que ça y ressemblait. J'étais carrément dedans même.
 
Du coup, je m'en prends à mon copain, qui n'y est pour rien, mais surtout, qui n'est au courant de rien. Je chasse un autre lièvre en mode taupe. Je suis une traître, une s… Envie de le chasser de mon appart', de ma vie, mais il s'accroche, le bougre. Mais je veux soudain être seule ! Que la terre entière me fiche la paix, ou alors m'aime, au choix. Je me sens nulle, mais nulle… Mes baskets sont trop serrés, pas bien ajustés, je suis pas bien dedans…
 
Alors si vous vous demandiez si tout va mieux à présent :
« p-a-s v-r-a-i-m-e-n-t ».

9 commentaires:

  1. Il était prévisible que ton nouveau post parlerait de ton nouveau poste.
    Il était prévisible aussi que ce nouveau poste (en intérim ? en CDD ? Naaan, en CDI ???) ne t'emballerait pas...sourire...
    Tu avais sabordé inconsciemment ton entretien semble-t-il, car quelque chose en toi te disait que tu irais bosser là à reculons, que ce n'était pas exactement ce dont tu rêvais.
    Et c'est un peu ce qu'on en retient en te lisant.
    Le job n'est pas épanouissant, ou en tout cas l'ambiance ne t'incite pas à l'intégration avec un grand I.
    C'est peut-être de l'alimentaire, comme pour beaucoup, mais l'essentiel est d'abord de rester "sur le marché", donc commercialisable, avec ton petit panneau "je suis productive, j'ai des compétences actuellement exploitées et exploitables par vous, mon futur employeur pourvoyeur du poste idéal que j'espère trouver et là enfin je vous serai dévouée corps et âme tant je m'épanouirai et aurai envie de donner le meilleur de moi-même"...
    ...Heu...finalement prévoir plutôt un grand panneau pour pouvoir écrire tout ça et plus si affinités...

    Le job n'est pas folichon, ou bien est-il rendu inintéressant par le fonctionnement même du service où tu bosses (comme "volante" dirait-on ?) ?
    Est-ce que ce job, dans d'autres circonstances, t'aurait plu si tu avais une autre marge de manoeuvre ? Ou bien vraiment ce n'est pas en phase avec tes compétences et tes aspirations mais c'était ça ou rien ?
    Ca ou rien compte-tenu du marché actuel qui est tendu, ou bien par rapport à ton niveau de qualification qui ne te permettrait pas de t'éclater comme tu le souhaiterais ?
    Repartir en formation ? Se réorienter ? Ou bien tenter sa chance au loto de l'emploi en espérant tirer le gros lot du job où l'on s'éclate sans avoir à tout remettre en question ?

    Je n'attends pas de réponse, je ne veux pas être invasive, tu donnes peu d'infos, tu écris mais en te protégeant beaucoup.

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    1. Tu n'attends pas de réponse, alors, je vais te répondre. Oui, je me saborde sans personne pour m'aider, et oui, il était prévisible que je ne sauterais pas de joie. Je me suis programmée en mode : "attention, prudence ou bien les autres vont te bouffer." (expérience de l'échec oblige)

      Mais le boulot en lui-même est purement administratif et pas complètement inintéressant, mais c'est le fait d'être obligée, de ne pas être libre, quoi ! qui m'embête... et le fait de devoir être un être social... je ne suis pas très sociable, j'ai pu le démontrer et devenir cet être social, c'est dur.

      Le premier qui dit "c'est ça la vie!" a encore perdu ! ;-)

      Pour moi, ce sont des efforts à fournir plus qu'en temps normal, car j'ai été au chômage un certain temps, il faut donc que je redevienne cet être social et docile.

      Merci pour ton commentaire qui a le mérite de me renvoyer à des questionnements fondamentaux.

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  2. la suite :
    La lassitude des postes, nous sommes nombreux à l'avoir connue je crois. Il y a ceux qui "se font une raison", et il y a les autres, dont mon Ame et moi-même faisons partie.
    Ca passe alors par l'expérimentation, la reprise d'études, les formations, l'autodidactique, l'intérim (j'en ai très bien vécu pendant plusieurs années), le culot aussi parfois pour postuler à des postes pour lesquels on n'est pas qualifié(e) et...ça passe ! lol...et puis finalement, même sur ces postes-là, on fait vite le tour et on s'ennuie, ou bien ce n'est plus dans notre vibration parce qu'on ne cesse d'évoluer, d'avancer, de mourir perpétuellement à soi-même et de renaître, et qu'il nous est alors impossible de faire du surplace professionnellement non plus.

    Le boulot, c'est un tiers d'une journée de 24h, mais finalement, ça en occupe plutôt 60% tout mis bout à bout. On y passe plus de temps qu'avec les personnes qu'on aime, 5 jours par semaine, et pendant 42 à 47 ans de notre vie (bientôt 50 ! lol).
    Alors à ce rythme, j'ai beaucoup de mal à faire des concessions avec moi-même, avec mon confort intérieur. Il faut que je me plaise dans ce que je fais, que je m'y sente bien, que cela ait du sens pour moi (peu importe que cela en ait ou non pour les autres, c'est MOI qui compte !). J'ai appris à reléguer le salaire au second plan après qu'il ait été une priorité pendant quelques années où je gagnais bien ma vie dans de grands groupes, dans des environnements intéressants qui plus est, mais loin de toute perspective de cheminement personnel. Pourquoi évoluer, bouger, quand on est dans le confort ?
    Je disais il y a quelques jours à mon Ame que j'en étais arrivée à un stade où je ne transigerai plus avec mon bien-être, ou alors, sauf cas d'extrême-urgence pour une période bien déterminée (intérim ou CDD de 3 mois maxi, soit 25% d'une année).
    On va voir cette année si je vais tenir mes engagements envers moi-même ! lol

    A toi de voir donc ce que tu es prête à négocier avec ton compte bancaire, ta conscience, ton bien-être personnel, tes aspirations profondes.

    Puis tu parles de ton compagnon.
    Là encore, à toi de voir ce que tu négocies avec ta conscience et sa confiance. Avec ton espace vital, avec les (pseudos) impératifs matériels (car ils servent souvent de prétexte), avec ce que tu nous présentes un peu comme les ruines de votre relation, avec ton idéal de vie. Aucun jugement là-dedans de ma part, ces situations, je les ai connues, vécues, et chaque cas est unique, il y a toujours de la souffrance à gérer et assumer, la nôtre, et celle de l'autre. Ce n'est pas confortable.

    Nous disions dans un comm d'un post précédent qu'il vaut mieux être seul(e) que mal accompagné(e), l'essentiel étant d'être aligné en conscience avec soi-même et le reste suit, et qu'il ne faut pas chercher à tout prix à être avec quelqu'un "parce que c'est comme ça pour tout le monde ou presque et que c'est la norme"...je souris en voyant la déferlante actuelle de pubs pour des sites de rencontres qui surfent sur l'image de norme sociale et sur le manque affectif...

    Juste une question en te lisant alors que tu donnes l'impression d'être célibataire et là tu nous dis (ou bien j'avais zappé un post) que tu as quelqu'un dans ta vie : Où est l'amour là-dedans ? Il existe plusieurs façons d'aimer, mais là, rien ne transpire dans ton blog. Au point que tu tentes ta chance ailleurs, et que tu aies envie que celui-ci disparaisse de ton espace...6

    Encore du boulot en perspective, en somme ! ...sourire...bon courage sur ce chemin que toi seule peux faire même si tu croises d'autres pélerins...

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  3. bienvenue dans le monde du travail “die arbeit macht frei und glücklich” ..... métro boulot dodo, ca passe vite. La hiérarchie et les collègues casse burnes ect.. tout un programme qui recommence chaque jour. Apres ca dépend des boulots tout n’est pas forcement négatif. Mais ca peut freiner coté social si ca prend trop de place.

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  4. Si cela te renvoie à des questionnements alors c'est cool ! Il y avait une deuxième partie à ce post, tu la gardes en archive perso ou bien elle n'est pas arrivée ?

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    1. bizarre, je n'avais que la première partie et la deuxième vient d'apparaître ! ;-) (mieux vaut tard....)

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  5. Non, tout n'est pas dit. Dans ma seconde partie de comm, j'évoquais entre autres le sens qu'on donne à ce que l'on fait,peu importe ce que les autres en pensent, ce qui compte, c'est le sens que nous on donne à notre boulot, un peu comme les ouvriers qui participent à un grand chantier. Un ouvrier te dira "je me fais chier, on m'a dit de creuser un trou, alors je creuse mais ça me gave grave et en plus c'est mal payé et c'est ingrat".
    Un second ouvrier un peu plus loin, lui, dira "C'est pas facile, mais je suis content d'avoir trouvé du travail, et si je me débrouille bien, peut-être qu'on me gardera et que je pourrai évoluer comme chef d'équipe."
    Un troisième ouvrier répond avec un méga-sourire "Ouais, c'est dur mais c'est génial, il y a plein d'équipes, on est acteurs sur un vrai projet, on participe à la construction d'une cathédrale !"

    Bidon comme exemple ? Et pourtant souvent repris (y compris par moi ailleurs qu'ici, face à des personnes qui en captent le sens littéral), mais aussi par mon Ame, tant le sens qu'on donne à son job peut faire la différence.

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  6. Bonjour...

    Et bien il s'en passe des choses pendant que je me livre à un inconditionnel et si neccessaire sommeil... Sourire...
    Ma belle et fulgurante Âme est passée par là.
    Que dire chère lfqrt.Pour bien connaître le sujet, il convient dans un premier temps de satisfaire les besoins primaires : se loger, manger. Tu as trouvé un job qui te permets de satisfaire à ceux çi. Tu as de la chance, les trois quart de la population mondiale -qui est en train de crever - est à tes genoux pour changer avec toi. Un truc sympa à faire : ne jamais héster à aller discuster avec les gens qui font le ménage. Souvent des immigrés qui endurent grave le nettoyage des chiottes et qui ont le sourire malgré leur foyer Sonacotra.
    Voyons les choses objectivement : donc tu as un emploi. Sourire. Sortons nos mouchoirs et pleurons.
    Foxtrot, dans un allemeand impécable nous rappelle que le travail rends libre. Je rapelle juste que cette devise était la devise d'un camps de concentration.. Je ne sais plus lequel et je m'en tape. Chacun ses références.
    Ceci dit, je comprends l 'extrême difficulté de ta relation au monde du travail et à un environnement laborieux. La vie c est aussi l' auberge espagnole. On y trouve ce qu'on y amène. Beaucoup. Persone n'est allé de chercher pour aller dans cette boite. Tu as posé des actes, fais un choix. Maintenant tu y es. Dans la vie, les pierres sur son chemin, on les mets dans la gueule de son voisin ou on construit un temple avec. Pour ma part, j en ai descendu plus d'un, je vise hyper bien. Mais bon, faut se calmer à un moment, prendre conscience de sa chance et avancer. Surtout ne pas se poser en victime.

    Le secret pour être heureux, c'est d être heureux. J'aurais mille choses à dire mais me vient à l 'esprit le film d' Alain Resnais " Mon oncle d' Amérique" qui t ' éclairerait bien plus que je ne saurais le faire.

    A voir.

    Ne pas scier la branche sur laquelle on est assis, ne pas cracher dans la soupe. Prendre conscience de sa chance, s'en servir comme support et pas comme une fin en soi.

    Ouvres ton regard.

    Regardes !

    Oses !

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