Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

mardi 10 juin 2014

Tempête dans un verre d'eau

En buvant ma tisane Hildegarde de Bingen recommandée par môman, je me demandais ce que j'écrirais là si je me mettais à écrire ce que je suis en train de penser. Puisque je ne suis pas plus inspirée, alors tentons l'exercice. Là tout de suite, je pense à mon boulot. À l'augmentation que je viens d'avoir, je souris, puis je passe à l'univers plus proche de ma tasse de tisane, en pestant d'avoir encore une fois laissé l'eau bouillir trop longtemps, ce qui me vaudra d'attendre trois heures avant de boire mon Hildegarde… Je ressaute vite dans ma rétrospective de la journée pour rester quelques secondes sur l'image du formateur de ce matin, charmant. Je saute au bruit des oiseaux dehors qui sont tout contents de retrouver le printemps. Et que ça piaille et que ça se lisse les plumes jusqu'à la prochaine averse de grêle qui, vu l'état du ciel, ne saurait tarder. Retour à ma tasse de tisane, est-elle refroidie ? Non. J'ai fait la vaisselle, au fait ? Oui. Je me repasse mentalement le programme de télé de ce soir pour voir si y aurait pas quand même quelque chose qui pourrait me détourner de cet exercice stérile. Tiens, je me souviens plus… Ah si ! des séries de flics ou de juges ; l'émission de pâtisserie (mais vu que j'ai un peu mal au ventre, je vais éviter pour ne pas me donner de mauvaises idées) et comme toujours, un film que j'ai envie de voir sur Canal Plus mais je n'ai pas Canal Plus. Et puis, comme j'ai posté à tous mes amis Facebook hier une vidéo qui nous met en garde contre les écrans qui peuplent nos vies et qui nous font passer à côté de l'essentiel ‒ enfin j'ai quand même pris le temps de liker et de l'envoyer à tous mes amis, donc je suis pas sortie d'affaire ‒, alors je vais passer sur la télé pour sauver ma bonne conscience. Je pense à ma flemme, à mon envie d'écrire, à mon manque d'inspiration, à la chienlit qui s'inscrit en direct live sur mon écran. Je pense que je suis ridicule de m'infliger ça. Mais que ça muscle au moins les doigts. Et mon esprit tente alors de s'élever vers des sphères supérieures (allez un ptit coup d'piolet et on y est), j'ai pris de la distance (comme quand on clique sur le moins de Google map) pour embrasser soudain ma pauvre condition d'être humain et l'aliénation du poids des conventions et autres diktats paralysants. Et ma tisane, elle en est où ? P***, c'est toujours aussi chaud ! Et je pense à mon retour au concret si rapide, alors que je venais de m'élever à un niveau de réflexion frôlant le Nobel de philosophie. (Tiens, ça existe ? Ché pas). Je ne côtoierai donc pas ce soir le panthéon des illustres penseurs, c'est certain… Tiens 22 heures. Déjà ? Pour bien faire il faudrait que j'aille au lit. Que j'aïoli. Je bloque sur le mot. Ça voudrait dire quoi comme ça ? Aïolier : faire de la sauce aïoli ? Tiens, ça me fait penser que je dois essayer une recette… je ne sais plus laquelle mais une recette que j'ai dans mes affaires… et si ça se trouve, à base d'aïoli ? Ce serait drôle comme coïncidence. Ou pas (thétique). Elle aime pas tous mes tics. Merde. Un rien fait sauter mes pensées. Recentration. Recentrement… ? Ah le voilà ! Recentrage ! Sur quoi ? … Sur mes doigts. Ils sont beaux mes doigts qui tapent sur le clavier. Je tape à deux doigts, dis donc, la honte. Oui, mais vite, alors, ça compense. Non, c'est trop la honte. Mais j'ai jamais réussi à taper avec tous les doigts. Sur les dix, j'en ai deux très actifs (les index), deux par intermittence (les pouces pour les espaces), deux sur le banc de touche (les majeurs pour quand les index sont fatigués) et quatre qui foutent absolument rien (les autres). Ah les boulets ! Un tit coup d'piolet, là, ça serait pas de trop, non ? Allez on monte, ou on dézoome au choix. Je pense à la Terre du coup. En disant ça, j'ai mentalement dézoomé sur Google map. Je suis une touriste de l'espace. Avec Richard Branson. Ah ! le gars quand même quand on y pense… Comme il nous met la misère. Toi t'es le quidam qui vient tenter sa chance au loto avec son rêve de piscine, de maison ou de ballon dirigeable. Lui, sans gratter aucun ticket, il arrive, et paf, il te fout sa fusée Club Med ou son Supersonic Paris New York en cinq minutes sur le coin d'la gueule. Pauvres petites merdes qu'il doit penser. Et avec son sourire et son bronzage permanents, il est énervant, non ? (comme je suis polie). Et quand on pense que d'autres types ou typettes (ou typex, encore mieux, qu'on les efface!) de son genre vont payer des millions pour passer quelques heures dans l'espace quand leurs mêmes millions pourraient sauver des millions de personnes. Franchement, seront-ils vraiment plus heureux, une fois qu'ils seront montés là-haut ? Cela va-t-il changer le cours de leur existence ? Vont-ils vraiment profiter de ces moments magiques entre les vomissements et pertes de connaissance liées aux accélérations et aux dépressurisations ? Mais qu'ils étouffent avec leurs vomissures au moment de réaliser leur prétendu rêve, ingrat pour les trois-quarts de la planète qui rêvent seulement d'avoir un peu de pain dans leur assiette. Je m'égare. De quoi remarque ? Ah oui ! Ma tisane. Merde, elle est froide.

1 commentaire:

  1. Trop fort l'exercice ! Suis épaté !
    Bise à toi, miss.

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