Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

lundi 4 mars 2013

Salons du livre

Mes deux premiers salons du livre, car oui, j'ai écrit un livre, eurent lieu ce mois-ci et je peux le dire officiellement, la description de l'événement est dans l'énoncé. J'y reviendrai. Le second, j'arrivais, impatiente et fière, avec mon carton de livres, mes plaquettes à distribuer, mon petit chevalet fait maison pour entreposer mon livre, ma petite nappe, mes bonbons, organisée quoi… Mais surtout aguerrie par un premier salon raté, par manque d'expérience. J'étais arrivée juste avec mes bouquins, les tables étaient des vieilles tables de collège gris-blanc ; une fois posés mes livres blancs sur la table blanche, j'me serais cachée sous la table qu'on aurait dit que ce stand était inoccupé. Et en face de moi, il y avait tous ces stands chiadés jusqu'à la perfection qui me narguaient : la petite nappe à la tonalité parfaitement étudiée pour mettre en valeur l'ouvrage ; les chevalets en bois verni à la taille du livre ; les articles de presse, les plaquettes promotionnelles, les marque-pages offerts et, le summum du crevard qui prend de vitesse tous les autres : les friandises ! Autant dire qu'avec mon ptit stand pourri ton sur ton, je n'avais aucune chance. Du coup la semaine suivante, je sortais l'artillerie lourde : les marque-pages, ; la plaquette promotionnelle faite maison avec une simili-critique presse totalement improvisée, mais sans tricher car je n'ai pas poussé jusqu'à mettre une fausse référence ; le chevalet, fait avec les moyens du bord certes : baguettes de reliure, élastiques et bout de bois mal scié fixé par du ruban adhésif (fallait pas trop le brusquer mon chevalet quoi) et l'arme la plus persuasive : les friandises ! J'étais parée.

C'était sans compter le vide interstellaire qui nous a servi d'étalon pour jauger de la fréquentation de l'événement. Le jour de la fête des grands-mères et des départs en vacances, on aurait dû voir venir le truc… Ce sont les organisateurs qui s'en sont mis plein les poches avec les 20 € de frais d'inscription. Ils ont eu beau nous persuader qu'ils avaient fait de la pub et que le parcours jusqu'au salon était fléché, nous restâmes sceptiques, d'abord à cause de l'outil de diffusion, Facebook, ensuite à cause des affichettes (en tout cas « de l' ») en fonte 14 avec une flèche noire patte de mouche accrochée sur le dernier feu avant l'arrivée au gymnase. Bref. Du coup, les quatre charmants hôtes et hôtesses sûrement payés avec nos 20 € avaient un air de fac-similés dans ce gymnase désert. Mon collègue de table, un vieux briscard rompu à l'écumage des salons littéraires a même logiquement fini par s'impatienter et, au malheureux hôte qui venait lui demander si ça se passait bien, s'il voulait un café, une bière, que sais-je ? avec un air un peu naïf et totalement en dehors du drame littéraire que celui-ci était en train de vivre, lui asséna, comme une claque, un : « Non, ça se passe pas bien, ça se passe mal, très mal ! » que le jeune homme tenta alors maladroitement d'endiguer en relativisant sa vision des choses, avant de se rendre compte que cela ne faisait qu'attiser la flamme revendicative de celui-ci qui lui offrit alors une leçon de morale sur l'importance de ne pas vouloir sans arrêt cacher la misère sous le tapis.

Mais le pire et le plus drôle étaient à venir. Pour ne pas se laisser abattre, les organisateurs proposèrent quand même les nombreuses animations alléchantes du programme et autant vous le dire, la lecture de textes devant un parterre vide de spectateurs ou d'auteurs non concernés venus uniquement pour vendre leur livre et de surcroît légèrement aigris par la désertification du lieu, a du rocambolesque. De bonne volonté, je me levai pour me rapprocher de la petite estrade, me disant que ça inciterait les autres à quitter leurs stands pour se rapprocher aussi, permettant à l'intéressé de se sentir un peu écouté quand même… Une ou deux personnes me rejoignirent, sans plus. Mais lorsque M. Bidule monopolisa le micro pendant trois plombes pour nous lire « l’ex-ergue » (monsieur peut pas se contenter de dire « le début » comme les autres) et les deux premiers chapitres de son livre de Fantasy-fiction-truc pour ados boutonneux où tu comprends rien à rien, j'ai flairé le traquenard. Il n'en finissait plus de nous raconter son truc complètement barré de vieil ado qu'a pas bien mûri ; et puis, lorsque M. Bidule se décida enfin à faire tourner le micro, c'est M. Tartempion, poète de son état, qui prit le micro pour clamer ses vers enflammés, et moi qui fus prise d'un fou rire. Heureusement, j'avais eu le temps d'aller me réinstaller à mon stand. Je pus ainsi savourer également l'intervention de mademoiselle Trucmuche, certainement future auteur à succès, qui nous parla de Minouche, son chat, auquel elle vouait un amour inconditionnel, et le niveau de crédibilité du salon franchit son point de non-retour.

Alors j'ai espéré, que l'heure d'affluence bientôt sonnât. Mais à part trois pelés et un tondu, dont l'un eut l'audace de répondre à ma collègue auteur sur ma gauche, à sa question concernant ses goûts littéraires, qu'il ne lisait pas, car il n'avait pas le temps avec son boulot (mais alors qu'est-ce qu'il faisait là ?!) et les autres passaient dans les allées comme s'ils étaient en forêt, le regard n'accrochant rien de particulier, effleurant parfois du bout des doigts les textes que j'avais mis gracieusement à leur disposition, sans jamais rien emporter, eh bien à part ceux-là, point d'affluence…

Au-secours !!! Je suis partie deux heures avant la fin. Mes jambes, mon corps et ma tête me suppliant. Du coup, oui, à mon sens, le descriptif est dans l'énoncé ; j'irais même jusqu'à parler de faute d'orthographe et que nous devrions écrire « ça-long », voire « ça-très-long du livre ».

6 commentaires:

  1. Ô combien, ce texte est fidèle à la réalité de certains "évènements littéraires"... Je n'ai participé, comme auteur, qu'à un seul salon du livre. C'était pathétique ! Je m’étais aussi appliqué, mon éditeur ne diffusant pas. Les gens passaient et nous observaient tels des animaux rares dans un zoo. J’ai engagé quelques discussions assez vaines avec les autres exposants, chacun étant persuadé qu’il avait rédigé l’œuvre du siècle. L’atmosphère aurait fait rire Céline. J’ai osé parler à des éditeurs sérieux qui m’ont confié qu’on publie les titres qui sont dans ligne éditoriale. J’ai découvert la Ligne éditoriale… Ligne invisible et plus mortelle que celle du front. On m’a rapporté avec sérieux qu’elle est tendue entre les goûts du plus grand nombre et la capacité commerciale de l’œuvre.
    J’ai publié deux ouvrages mais désormais tout ce que j’écrirai sera publié par mes propres soins au format électronique avec un dépôt légal…
    Merci à la Fille qui Ratait Tout pour son billet pas du tout raté !
    Virgile
    virgile69fr@yahoo.fr

    RépondreSupprimer
  2. Merci Virgile pour ton com' qui renchérit bien le sentiment que j'ai eu. Oui, tu as raison, chacun est persuadé d'avoir écrit le roman du siècle ! Mais si on n'est pas trop naïf, on se rend bien compte qu'on est les dindons de la farce, avec nos livres sur les bras, achetés par nous-mêmes, dans des gymnases où personne ne vient. Au début, on fait mine de s'intéresser aux autres, et on achète même ! mais on se rend vite compte que l'intérêt n'est pas réciproque... j'ai plus dépensé que vendu ! Erreur du débutant, naïveté... Je me disais qu'on allait me rendre la pareille... Nada ! Chacun pour soi et Dieu pour tous ! J'le saurai, enfin si je fais encore des salons, parce que là franchement, ça m'a plutôt dégoûtée qu'autre chose... Eh oui, la ligne éditoriale, mon c... même si on n'avait suivi la ligne éditoriale, je pense pas qu'on aurait été édité ! Il faut un nom, un piston, ou un talent qui assied tout le monde parterre, peut-être même qu'il faut les trois pour percer dans le milieu de l'édition... mais bon, c'est pas ça qui nous fera casser nos plumes, n'est-ce pas ? C'est tellement bon d'écrire...

    RépondreSupprimer
  3. Bien sûr, mon Amie, nous ne casserons pas nos plumes. Il est capital de se réaliser. Alors créons, vivons... et ne nous soucions pas trop des trompettes de la renommée qui sont, comme dit le poète, si souvent mal embouchées... Prenons le plaisir et partageons-le ! Même si nous n'avons qu'un lecteur cela vaut la peine ;)
    Virgile

    RépondreSupprimer
  4. Bien sûr, mon Amie, que nous ne casserons pas notre plume. Il est capital de se réaliser, de créer. Alors, nous qui aimons écrire, écrivons même si nous n’avons qu’un seul lecteur car cela vaut la peine ! Écrire permet de condenser nos pensées, nos sentiments, nos sensations… Prenons plaisir aux choses et partageons !
    Virgile

    RépondreSupprimer
  5. Une personne de ma connaissance vient de se faire éditer par une maison d'édition qui a pignon sur rue dans son domaine. Elle sera en séance de dédicace sur le salon du livre à Paris le 22 mars je crois.
    A tout hasard, ayant déjà participé à plusieurs salons et foires, je lui demande si son éditeur lui a fourni des invitations. Eh bien non, même pas, l'éditeur lui a répondu qu'il n'y avait pas d'invitations, que c'était trop cher, alors qu'on sait qu'il y a un pack avec la location des stands sur ce salon et sur les grandes foires. En tant qu'auteure, elle ne peut même pas convier sa famille ni ses amis ou ses premiers lecteurs acquis par sa démarche marketing personnelle. On sait que les prix des stands sur les grands événements sont devenus prohibitifs, au point qu'on a déjà évoqué la mort du salon du livre parisien, et que beaucoup de foires ont disparu, les exposants ne parvenant même plus à rentabiliser...
    Alors oui, les grands gagnants sont les organisateurs.

    RépondreSupprimer
  6. Oui, c'est honteux. Tout est une question de prix de nos jours... Ben moi aussi j'y serai dimanche soir ! ;-)
    Bise

    RépondreSupprimer