Je
suis persuadée que cela a rapport avec ma mère. En même temps, il
n'est pas difficile de faire ce diagnostic puisque l'origine des
névroses humaines est souvent un mal à la mère ou un mal au père.
Eh bien moi c'est à la mère. Enfin je crois. C'est ce que je ressens. J'ai
aussi pas mal parlé avec des psychologues qui m'ont (plus ou moins)
aidée (d'ailleurs) - en tout cas à alléger mon portefeuille à
défaut de mes états d'âme. Je suis née prématurée et ma maman,
d'après ce qu'elle m'a dit, a eu peur pour moi. Jusque là, rien
d'anormal. Seulement, je crois que cette peur qu'elle avait pour moi,
c'est aussi la peur que sa mère avait pour elle. Elle me disait
souvent que ma grand-mère avait toujours peur qu'il lui arrive
quelque chose et donc qu'elle ne l'autorisait pas à faire
différentes activités, jugées trop dangereuses. Ma maman était
une enfant fragile, très maigre.
Peut-être est-ce la conséquence de cette surprotection ? Enfin
voilà. Je pense qu'elle s'est un peu projetée en moi. Peut-être
étais-je censée réparer ses blessures en devenant bonne élève ?
En étant plus sportive qu'elle ? Ai-je eu peur de ne pas être
à la hauteur ? Ai-je ressenti malgré moi, par-delà les
limites de la conscience, ses peurs qu'elle essayait pourtant de ne
pas me transmettre ? Je crois que je suis trop entrée en résonance
avec les émotions de ma maman pour pouvoir vraiment me détacher
d'elle. De surcroît, "malheureusement" j'ai envie de dire même si je
ne le pense pas complètement, ma maman a été élevée dans la
religion. Et j'ai bien l'impression que la religion, telle que nous
la pratiquons, dans le catholicisme, est plus un facteur
d'inhibitions et de renfermement sur soi que d'ouverture et
d'épanouissement. En tout cas, en ce qui concerne la « chose
du sexe » - je fais exprès de l'appeler comme cela pour bien
montrer la distance qu'il sied à mettre avec le mot, dans un milieu qui tend à prouver que
l'on peut vivre en s'en passant, puisque les religieux consacrés
l'ont comme principe de vie. La spiritualité remplacerait les
besoins sexuels. Sauf qu'à trop le dire et le penser, on a vraiment
l'impression que le sexe, c'est le péché ! Et j'ai bien senti
ce tabou imprégner l'inconscient familial. Car même si ma maman se
défendrait de jamais n'avoir considéré le sexe tabou, en
prétextant que le rejet du sujet venait de nous, il faut pas être
psychologue pour savoir que ce ne sont pas les enfants qui souhaitent
aborder le sujet en général. Du coup chez nous, on n'en parlait
pas. Même en plaisantant, on n'évoquait pas la possibilité d'un ou
d'une petite amie. Peut-être que nous aurions repoussé toute
démarche faite de la part de nos parents dans ce sens-là, mais même
cela, c'est dommage… En
tout cas, je pense que j'avais besoin d'en parler. J'aurais eu besoin
que la porte de mes émotions s'ouvre et que je n'aie pas peur de les
accueillir. Au lieu de cela, j'ai nourri une grande angoisse à cet endroit. Mais je soupçonne ma maman d'avoir aussi eu droit à son
lot d'angoisses concernant la question sexuelle. Difficile de creuser sur ce terrain-là,
mais j'ai l'impression que cette fuite dans la religion cachait un
malaise ou une douleur à l'endroit du sexe.
Inutile
de vous dire que j'ai du mal avec la religion. J'y crois, mais j'ai
toujours l'impression d'être aspirée par la dévotion, le sentiment
de sacrifice, de recherche de sainteté, d'irréprochabilité. Et je
ne suis pas sûre qu'il faille absolument en passer par là. On peut
peut-être vivre plus « normalement », plus légèrement
que de sans arrêt demander pardon pour nos péchés. Et puis, à trop mettre
les choses à distance, on les désire encore plus ardemment.
J'ai
du mal à parler de ma maman, parce qu'il y a de la douleur, de
l'incompréhension entre nous, ajoutés aux souvenirs de
confrontations. Je lui en ai fait baver, avant de comprendre qu'il
fallait que je m'éloigne pour que l'on puisse s'apprécier. J'ai
voulu lui expliquer d'où venaient ses problèmes. Ma
maman s'est toujours caractérisée par sa fragilité, ses soucis de
santé, et ses peurs bien sûr, une inquiétude pas vraiment
justifiée quasi constante. J'ai joué au psychologue de comptoir
quand j'étais au plus mal (et pourtant je crois que je percevais
assez bien le problème). Que de crises de larmes entre nous.
Voilà
encore l'une des origines de ma difficulté à laisser s'exprimer mes
émotions.
Mon problème vient du sexe. Aïe.
J'aurais préféré autre chose. Sauf que si on gratte un peu le mot
« sexe », on se rend compte qu'il porte en lui quasiment
toutes les origines des maux dont souffrent les humains : pourquoi on
vit si ce n'est pour se reproduire puisqu'on ne sait même
pas quel est le but ultime de la vie ? Se reproduire est une
chose que l'homme est obligé de faire pour pouvoir assouvir chacun
des buts qu'il s'impose. Alors voilà, tout tourne forcément, à un
moment donné, autour du sexe. CQFD. Alors quand ça casse à ce
niveau-là, ben on est complètement bancal. Et voilà où j'en suis.
Bancale, pas bien sur mes appuis. Les cherchant.
On ne peut pas vraiment savoir si, à l'époque où les choses
auraient dû être différentes, il aurait été possible qu'elles le
soient, car à cette époque, je n'avais pas la même force, le même
recul sur la vie, sur ma vie, le même vécu. Mais il me semble que ça
aurait pu être différent. Sans savoir si j'aurais eu la force de
changer les choses, je sais que, au niveau du possible, ça aurait pu
être différent. Si j'avais eu un petit ami. Pour cela, j'aurais dû
être moins exigeante que je ne l'étais. Eh oui, je prenais les
hommes de ma famille en modèle, de beaux hommes, et le niveau de mes
exigences devait être - même si inconsciemment - élevé. Pourtant,
il y avait des amis qui s'intéressaient à moi, mais…
j'aspirais à mieux ? Ou bien, et c'est peut-être plutôt cette
option la bonne, j'étais trop timide, bourrée de complexes et ils n'étaient
pas assez entreprenants.
Ma
timidité, mon ignorance et ma peur de la question sexuelle, qui
étaient pourtant la clé de mon salut, mon mieux-être, m'ont fait
fuir tout rapport avec l'autre sexe jusqu'à très tard. Complexée,
trop en demande d'affection, d'émotions, je faisais fuir les
garçons. J'avais peur de la sexualité, elle m'angoissait à un
point tel que je ne pouvais pas supporter d'y être confrontée. Si
j'avais su ce que je devrais faire pour apprivoiser ma plus grande
angoisse… Mon initiation sexuelle s'est faite grâce aux tchats et aux sites de rencontre.
Si
j'avais pu montrer à Nazim que je ramenais chez lui qu'il me
plaisait et comprendre que s'il m'avait demandé de le ramener chez
lui, c'était peut-être pour que l'on soit seuls tous les deux…
Si je m'étais laissée aller à mes émotions au lieu de les
combattre constamment…
peut-être que j'aurais pu trouver du réconfort, de la réassurance
dans les bras d'un garçon à un moment où j'en avais tellement
besoin pour affronter les angoisses et la compétition de la première
année de médecine. J'ai l'impression que, au lieu de me faire
perdre du temps, précieux comme chacun sait cette année-là tant le
programme à ingurgiter est lourd, cela m'en aurait fait gagner,
j'aurais été plus sereine, j'aurais eu plus d'énergie.
Si je
suis devenue une loque, c'est de ne pas avoir éprouvé l'amour à tant. J'ai sombré petit à
petit dans l'inertie, la stagnation, la dépression. Et je m'y suis
creusé une caverne, une ptite caverne où je peux ressentir la
sérénité, l'apaisement de n'avoir pas à être dans le monde où
l'on se séduit, où l'on s'apprivoise, car je n'arrive pas à me
laisser apprivoiser.
Mais est-ce bien si involontaire: "Si je suis devenue une loque, c'est de ne pas avoir éprouvé l'amour à tant"?
RépondreSupprimerOui, tu as raison, parfois ce qui semble involontaire ne l'est pas tant que ça... L'inconscient a un tel pouvoir.
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